Techniques de mix : les balances
Comment bien démarrer ton mixage ?

En parallèle de notre série d’articles sur les techniques d’enregistrement, l’équipe de gearnews.fr se propose de t’accompagner dans ton apprentissage et/ou ton perfectionnement des techniques de mixage. Pour ce premier épisode, nous aborderons de nombreux sujets essentiels mais nous nous concentrerons avant tout sur l’exercice particulier des balances. C’est parti !
Sommaire
Introduction
Bien que la plupart des ingénieurs du son se fient à leur intuition pendant un mixage, il ne peuvent pas commencer avant d’avoir une idée de l’impulsion qu’il souhaitent donner au morceau. Consciemment ou inconsciemment. Certains peuvent entendre une version du morceau finalisé dans leur tête avant même de commencer, d’autres au contraire préfèrent se laisser porter par le processus, mais tous avancent avec leurs goûts, leurs sensations, leurs convictions et leurs techniques vers un certain idéal sonore qui leur est propre.
Le conseil le plus évident avant de débuter un mixage, est donc de se familiariser avec le morceau, et avec l’esthétique sonore de l’artiste en général, via un moment d’écoute attentive. Pour y parvenir, une écoute de ses productions précédentes combinée à une connaissance du style musical pratiqué et à une franche discussion avec l’artiste, le groupe et/ou le label sur leur vision du projet en cours sont absolument indispensables. Ce qui peut sonner comme un mixage parfait pour certains pourrait paraître catastrophique pour d’autres.
La direction artistique

Il est donc primordial de déterminer ensemble une direction artistique à suivre et un objectif sonore à atteindre. Et il est très probable que cette direction puisse évoluer au cours du processus de mixage en lui-même. Après tout, n’est-ce pas ce qui fait la beauté de l’exercice ?
Une fois cette direction empruntée, il est important de définir une méthode de travail claire en commençant par identifier l’élément le plus important du morceau. Est-ce la voix de la chanteuse ou du chanteur, la guitare du soliste, le synthé lead ou tout autre chose ? Dans tous les cas, une fois cet élément déterminé, il faudra s’acharner à construire un mixage organisé pour le mettre en valeur. Et c’est sans doute la chose la plus importante à comprendre, car n’importe qui peut ouvrir une DAW comme Pro Tools, monter les faders et empiler des dizaines de plugins. Ce qui sépare le grain de l’ivraie en termes de mixage et de production musicale, c’est bien cette capacité à capter, à sublimer et à transmettre l’énergie d’un morceau. Mais alors, comment capter, sublimer et transmettre cette énergie si particulière ? Avant de définir ensemble ce qu’est un mixage professionnel réussi, tentons d’abord de comprendre ce que nous pourrions considérer comme un mixage raté.
Le bon mixeur et le mauvais mixeur

Contrairement au bon et au mauvais chasseur, il n’ya pas de mauvais mixeur à proprement parler. Seulement des mauvais mixages. Et en règle générale, ce qui définit un mauvais mixage c’est d’abord une mauvaise qualité sonore, des arrangements confus, des sonorités peu travaillées, des enregistrements bruyants et parasités par des sons inutiles (comme des respirations par exemple), des pistes mal éditées ou en manque de niveau, sans clarté et sans définition (comme des instruments mal captés, trop distants et noyés dans la réverb).
Ensuite vient l’ennui, quand un mixage ne propose aucun rythme, aucun mouvement, qu’il est trop linaire et ne suscite pas l’intérêt de l’auditeur·rice (l’absence totale d’automation, par exemple). Ou bien encore quand il ne propose aucun supplément d’âme et qu’il n’a été considéré que comme une simple étape technique, et non comme une continuité du processus de création musicale (pas d’utilisation créative des effets pendant les silences, par exemple).
La quête de l’équilibre : les balances

Au final, tout est question d’équilibre. Cet équilibre dépend bien sûr du style musical et du propos de l’artiste. Dans la plupart des musiques électroniques conçues pour les clubs par exemple, on considère qu’un son de grosse caisse placé au premier plan représente un bon équilibre, alors que ce serait une faute de goût presque impardonnable dans un morceau de jazz manouche ou de folk. Alors comment trouver cet équilibre parfait pour un morceau ? Réponse : les balances.
Ici encore, tout dépend du contexte et du style pratiqué, mais une chose est sûre : il faut toujours apporter une cohérence en termes de niveaux pour chaque piste du morceau. Et c’est bien là la fonction primordiale des balances. Sans elles, on risquerait de se retrouver avec des paroles indiscernables, des sons inaudibles ou alors trop forts, et au final un mixage qui risquerait de décevoir le public. Le rôle des balances est donc de créer un rapport harmonieux, en termes de volumes, entre les différentes pistes qui habillent le morceau. Un bon mixage doit nécessairement commencer par là, avant même de penser à appliquer d’autres traitements.
Les balances commencent par l’arrangement

Un bon équilibre des niveaux commence nécessairement par un bon arrangement écrit et réalisé en amont du mixage. Si les instruments s’accordent bien ensemble et ne se contredisent pas, qu’ils occupent chacun leur place, notamment en termes de fréquences et de timing, la tâche de l’ingénieur du son devient tout à coup beaucoup plus facile. C’est pour cette raison qu’on n’entend presque jamais un solo instrumental en même temps qu’un couplet de chant lead par exemple, car chaque piste occupe son espace propre. Dans le cas contraire, l’oreille ne saurait pas quel piste écouter et l’auditeur·rice se retrouverait confus·e voire agacé·e.
Cependant, de nombreuses sessions seront loin d’être idéales, et il t’arrivera sûrement de travailler avec un artiste ou un groupe dont l’arrangement laisse à désirer, avec trop de pistes similaires qui entrent en conflit les unes avec les autres. Et c’est bien là la première fonction de l’ingénieur du son lors des balances : s’autoriser à réarranger le morceau en conservant ce qui fonctionne, et en suggérant à l’artiste de couper, de modifier ou de déplacer la ou les pistes inutiles et gênantes. Cette manière d’aborder les choses peu paraître brutale, mais il n’en est rien, bien au contraire, l’objectif est d’améliorer le rendu final et de rendre un projet qui sonne le mieux possible. Nous savons tous que l’univers de la musique enregistrée est habité par des êtres d’une grande sensibilité, ainsi il faut toujours garder une approche bienveillante et respectueuse du travail d’autrui, mais la plupart du temps, chaque personne présente dans le studio souhaite obtenir le meilleur résultat possible, alors n’hésites pas à faire des propositions de réarrangement si tu estimes que c’est nécessaire et bénéfique pour le morceau.
Les balances : un puzzle de fréquences et de temporalités

En pratique, pour éviter les conflits entre les différentes pistes d’un même morceau sans trop changer l’arrangement créé par l’artiste ou le groupe, il faut s’assurer que chaque piste occupe son espace propre. Cet espace se caractérise le plus souvent par deux qualités distinctes : la plage de fréquence occupée par l’instrument ou la voix en question d’une part, et le temps de présence dans l’arrangement de cet instrument ou voix d’autre part (la temporalité ou le timing : ce moment ou l’instrument sort du silence pour jouer, avant de retourner au silence).
Pour la gestion des fréquences, la règle est simple : chaque piste doit occuper sa propre plage, et si deux instruments entrent en conflit, la solution la plus simple consiste à filtrer ou à égaliser le son de l’un des instruments pour qu’il occupe une plage de fréquences différente. Tu peux utiliser un plugin comme l’excellent FabFilter Pro-Q 4 pour accomplir cette tâche. Pour la gestion du temps de présence, si deux instruments entrent en conflit, plusieurs solutions se présentent : d’une part, on peut faire jouer les deux instruments à des moments différents en modifiant l’arrangement (en accord avec l’artiste), d’autre part on peut baisser ou couper le son des instruments perturbateurs afin qu’ils ne jouent jamais en même temps, mais encore, on peut. régler le panoramique de l’instrument perturbateur à un emplacement différent et assez éloigné pour éviter le conflit (typiquement : une guitare à droite et une guitare à gauche, par exemple).
Les balances : méthodes pour régler les niveaux

Il existe de nombreuses approches pour régler les niveaux, toutes aussi valables les unes que les autres. C’est vraiment une question de préférence personnelle, cependant, il faut toujours garder à l’esprit que le mixage doit venir mettre en valeur l’élément le plus important du morceau. Ainsi, certains ingénieurs du son commence par la section rythmique, la basse et la batterie, et construisent le mix autour. D’autres commencent par la voix lead, et intègrent les autres éléments au fur et à mesure etc. D’autres encore commencent avec tous les faders montés pour se faire une idée globale du morceau, et l’amener là où ils le souhaitent. Il y en a même beaucoup qui changent d’approche à chaque morceau, en fonction de la musique proposée et de leur humeur du jour.
Mais quel que soit le point de départ, les ingénieurs du son s’accordent généralement à dire que la voix, ou tout autre instrument mélodique soliste, doit faire son entrée dans le mix le plus tôt possible. Pourquoi ? Tout simplement parce que le chant, ou l’instrument soliste, sera probablement l’élément le plus important du morceau. Il occupera donc plus d’espace en termes de fréquences et de niveau que les autres instruments qui l’accompagnent. Or, si on tarde trop à l’intégrer, il risque de manquer d’espace et de ne jamais se mélanger parfaitement avec le reste des pistes. Dernier conseil du jour : il faut toujours de fier à ses oreilles et non à ses yeux, alors fais très attention aux VU-mètres (de trop nombreuses personnes pensent pouvoir se faire une idée précise des balances en réglant les niveaux uniquement avec les vu-mètres). Le problème des VU-mètres, c’est qu’en fonction des instruments, leur calibration et les indications qui en découlent ne sont pas forcément fiables : certaines pistes peuvent sonner plus fort en termes de volumes perçus que de volumes réels (et vice-versa), ou présenter des pics de niveau très courts alors que d’autres vont jouer à un niveau constant etc. Nous te recommandons donc d’éviter cette méthode et de privilégier ton feeling et ton instinct musical à la place, autrement dit : tes oreilles et les sensations qu’elles te procurent. Elles sont tes meilleures alliées et il faut apprendre à leur faire confiance, petit à petit, en se détachant des autres sens et des conventions techniques trop strictes.
Conclusion
Bien débuter un mixage est la clef d’une prestation réussie, et les balances sont la première étape vers ce succès final. N’oublies pas de prendre le pouls de l’artiste, du morceau et du genre musical que tu dois traiter. En étant attentif et à l’écoute, tu trouveras toutes les réponses à tes questions, et tu n’auras plus qu’à faire appel à ton savoir-faire, à tes outils et à tes techniques pour offrir la meilleure version possible du morceau. Essaies toujours de suivre la direction artistique qui te paraît la plus pertinente, n’oublies pas de mettre en valeur l’élément le plus important du mixage et de construire ta session autour de lui. N’hésites pas à être une force de proposition, tant en termes d’arrangement musical que de techniques de production plus concrètes comme le filtrage, l’égalisation, l’ajustement des panoramiques et des niveaux. Au final, laisse parler ton instinct créatif et apprends à faire confiance à tes oreilles, car comme le dis l’adage : quand ça sonne bien, ça sonne bien !
Nous espérons que cet article t’a plus, n’hésites pas à partager tes techniques, tes expériences et ton approche personnelle concernant l’exercice des balances avec la communauté dans les commentaires. En matière de mixage comme d’enregistrement, c’est toujours en échangeant ensemble qu’on apprend. La suite au prochain épisode !
