Techniques de mix : égalisation / niveau intermédiaire et avancé – Partie 1
Comment bien démarrer ton mixage ?
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Aujourd’hui, nous continuons ensemble notre progression vers les techniques de mixage plus avancées en nous concentrant sur l’égalisation conjointe de la grosse caisse et de la basse. Avant de commencer et pour démarrer du bon pied (pun intended), n’hésites pas à lire ou à relire nos articles Techniques de mix : les balances, Techniques de mix : panoramique et Techniques de mix : égalisation / niveau débutant et intermédiaire. C’est parti !
Sommaire
Introduction
L’une des tâches les plus ardues d’un·e ingénieur·e du son est sans aucun doute l’atteinte de l’équilibre parfait entre la basse et la grosse caisse. Rien n’influence plus rapidement la perception de la qualité d’un mixage que l’harmonie entre ces deux instruments, et il n’est pas rare qu’un·e ingénieur·e du son passe des heures à travailler sur cet équilibre, tant en termes de niveau que de fréquence. Et pour cause, si cette relation n’est pas bonne, c’est l’ensemble du morceau qui en pâtira, car la fondation rythmique manquera d’assise, de puissance et d’impact. Mais alors, comment obtenir cet équilibre si précieux ?
Pour obtenir l’impact et la puissance que l’on retrouve dans la plupart des mixages modernes, il faut créer un espace dans le mixage pour ces deux instruments afin qu’ils ne se concurrencent pas et ne créent pas un sentiment de confusion chez l’auditrice·eur (rappelles toi de la métaphore du puzzle dont nouas avons parlé dans les articles précédents). Et bien qu’une simple égalisation puisse parfois fonctionner, en privilégiant par exemple les harmoniques supérieures de la basse et en laissant à la grosse caisse les fréquences les plus graves (ou inversement), il est préférable d’adopter une stratégie beaucoup plus élaborée.
Pré-requis : filtrer et/ou atténuer les fréquences inutiles
Avant de démarrer tes traitements d’égalisation sur la grosse caisse te la basse, et une fois ta balance des niveaux et tes placements panoramiques effectués, si tu rencontres des difficultés avec le morceau parce qu’il contient beaucoup d’instruments graves (des voix graves, des synthétiseurs, des violoncelles ou des cuivres par exemple) commences par nettoyer toutes les autres pistes qui ne nécessitent pas une énergie trop importante dans le bas du spectre. Pour y parvenir, c’est très simple : coupes la grosse caisse et la basse pendant quelques instants pour déterminer les pistes qui pourraient poser problème et appliques sur chacune d’elle un filtre passe-haut ou une bande d’atténuation en plateau sur les plages de fréquences basse et/ou infra-basse.
Prenons le cas d’un piano ou d’une guitare, s’ils présentent beaucoup d’énergie sous 100 Hz, il sera préférable d’en atténuer une partie car ce sont plutôt les fréquences médiums et aiguës qu’il faudra préserver pour ces deux instruments. Avances pas à pas et effectues des écoutes comparatives (A/B) pour contrôler ta progression. Certes en solo, le son de ces pistes pourra paraître un peu trop faible et manquant d’épaisseur, mais ne t’inquiètes pas car avec le reste du mixage ils garderont toute leur place. Mais surtout : la grosse caisse et la basse sonneront beaucoup mieux avec l’ensemble et tu ne regretteras pas d’avoir sacrifier quelques fréquences inutiles ici ou là pour préserver et privilégier les fréquences utiles ailleurs. Le morceau commencera déjà à sonner de mieux en mieux avant même d’avoir traité les pistes concernées. Gardes juste en tête qu’il faut faire attention à ne pas trop atténuer les autres instruments non plus, car tu risquerais de perdre la chaleur du morceau et de te retrouver avec le problème inverse, à savoir un morceau qui manque de basses (comme toujours, tout est question d’équilibre).
Le traitement de la grosse caisse
Armé·e de ton égaliseur favori (au format plugin ou hardware), commences par traiter la grosse caisse en essayant d’ajouter quelques décibels quelque part entre 60 et 90 Hz afin d’obtenir une meilleure intelligibilité, notamment sur des enceintes de petite taille (n’oublies pas que la plupart des systèmes de reproduction modernes, comme les smartphones ou les enceintes d’ordinateur, ne sont pas en mesure de reproduire des bandes de fréquences beaucoup plus graves que celles-ci). De plus, même si une égalisation additive entre 30 et 60 Hz produira une grosse caisse très percutante sur les systèmes professionnels, le résultat risque de passer inaperçu sur des enceintes de petite taille et de te décevoir si tu effectues des sessions d’écoute à l’extérieur de ton studio. Pour résumer, la plupart des grosses caisses (acoustiques ou électroniques) ont tendance à profiter d’un ajout de quelques décibels autour de 80 Hz.
Aussi, pour gagner plus d’attaque et d’impact, ajoutes encore quelques décibels entre 1 et 4 kHz, car c’est ici que se situe le son de la batte qui vient frapper la peau. N’hésites pas à prendre ton temps et à chercher la zone idéale car chaque grosse caisse est différente et ne réagira pas forcément toujours de la même manière à ton égalisation. Ensuite, tu peux aussi corriger le côté « boomy » (ou cartonné) du son en atténuant plus ou moins drastiquement les résonances indésirables entre 300 et 600 Hz.
L’association avec la basse : je t’aime, moi non plus
La grosse caisse et la basse doivent idéalement occuper des plages de fréquences légèrement différentes. L’énergie utile de la grosse caisse se situera généralement dans une plage assez restreinte entre 60 et 90 Hz, tandis que la ligne de basse mettra souvent l’accent sur les fréquences supérieures de la bande grave, entre 80 et 250 Hz (bien que parfois les deux soient inversées, selon le morceau et le style de musique pratiqué). Ici aussi, commences par atténuer les fréquences graves inutiles pour chaque instrument (en dessous de 30 Hz pour la grosse caisse et en dessous de 50 Hz pour la basse, même si encore une fois cela peut varier selon le style et les goûts de chacun·e) afin d’éviter de te retrouver avec un son trop envahissant ou « muddy » comme disent nos consoeurs et confrères anglo-saxons. Au final, l’ensemble doit produire une sonorité puissante et percutante, tout en restant claire et facile à discerner pour l’oreille.
Une erreur très fréquente consiste à accentuer la grosse caisse avec un niveau trop élevé (ou une qualité d’égalisation insuffisante), au détriment de la basse. Au final, tu te tires une balle dans le pied car paradoxalement : cela donne l’illusion d’un mixage pauvre en fréquences graves. Et ce pour une raison très simple : la grosse caisse est avant tout un élément transitoire (de courte durée), alors que la basse est un instrument qui habille l’espace sonore sur un temps beaucoup plus long. Donc si tu privilégies la grosse caisse à outrance, cela donnera l’impression que le contenu grave de ton mix est incohérent voire pire, insuffisant.
Égaliser en fonction du style musical : pop et rock
En ce qui concerne la gestion des basses fréquences pour la musique pop, il est souvent préférable de laisser la grosse caisse s’occuper de l’aspect percussif (transitoire) tandis que la basse s’occupera plutôt de l’assise harmonique et des notes fondamentales du morceau. Ainsi, pour ce style particulier on évitera d’augmenter trop fortement les basses et on s’assurera d’atténuer au maximum les fréquences infra-basses inutiles pour laisser un maximum de champ libre (et donc de décibels disponibles) à la voix lead et aux instruments médiums (guitares et claviers par exemple).
Pour le rock c’est différent, l’objectif est plutôt de créer un son de basse agressif et percutant. Pour y parvenir, concentres-toi principalement sur le son de l’ampli qui donne tout son caractère à l’instrument et qui doit sonner de concert avec les guitares. Notre conseil est donc de booster la zone de fréquences située entre 50 et 100 Hz pour faire ressortir les notes fondamentales de la basse et donner le maximum d’assise à la section rythmique. Ensuite, tu pourras aussi augmenter légèrement les médiums entre 1,5 et 2,5 kHz pour capturer le grain de l’ampli. N’hésites pas à atténuer ta piste de basse entre 400 et 800 Hz pour laisser la guitare et le chant s’exprimer pleinement. Dernière remarque : si tu mélanges le son d’une basse enregistrée via une boîte de direct (DI) à celui d’une basse amplifiée de manière traditionnelle, veilles bien à aligner les phases de chaque piste entre elles pour éviter à tout prix des artefacts indésirables dans les fréquences médiums.
Égaliser en fonction du style musical : hiphop et électro
Pour le hip-hop c’est encore très différent, la basse est souvent perçue comme l’élément le plus important du mix après la voix lead, c’est elle qui amène de la crédibilité au morceau et sert à véhiculer l’émotion du titre. Ici contrairement à la pop, on n’hésitera pas à préserver les infra-basses et à réserver de l’espace pour la plage de fréquence qui se situe entre 30 et 60 Hz. De nombreux ingénieurs du son spécialisés dans de hip-hop rehaussent aussi légèrement la zone cible des 60 – 90 Hz afin qu’elle sonne de la meilleure manière et déploie tout son potentiel sur des moniteurs plus petits. Attention toutefois à ne pas trop en abuser car les clubs et les voitures équipés de puissants caissons de basses saturent très facilement dans cette zone de fréquences. Si la grosse caisse manque gravement de corps et d’assise dans le grave, une autre technique très courante dans les styles hiphop et r’n’b (mais aussi parfaitement utilisable dans n’importe quel autre genre musical) consiste à réinjecter une tonalité sinusoïdale de 30 Hz sur une piste annexe (avec un synthétiseur ou alors simplement avec le générateur de tonalité dans Protools par exemple). Places ensuite un plugin de gate qui dispose d’une fonction side-chain sur cette même piste, puis assures toi de faire déclencher ce gate par la piste de grosse caisse. Mélanges les deux signaux (grosse caisse + tonalité sinusoïdale) à ta convenance pour recréer une fondamentale plus appuyée et redonner toute l’assise et la crédibilité manquante à la piste de grosse caisse.
Pour la musique électronique, il faut rester vigilant et parer au risque de dissonance entre la grosse caisse et la mélodie jouée par la basse (ou plutôt par un synthétiseur dans ce cas précis). En effet, la ligne de basse est pensée ici pour être diffusée par les puissants systèmes de reproduction des clubs, et il est primordial qu’elle fonctionne parfaitement avec la grosse caisse (qui est souvent l’élément le plus apprécié par le public). Or, si ta grosse caisse a une fréquence de Do aux alentours de 60 Hz par exemple, et que la tonique de la ligne de basse est Do#, il pourrait y avoir un conflit de fréquences, et les deux sons risqueraient de se gêner l’un et l’autre. Dans ce cas on quitte un instant les techniques d’égalisation pour ne pas hésiter à ré-accorder le sample de grosse caisse si nécessaire (un demi-ton ou un ton peuvent largement suffire dans la plupart des cas). Ensuite on adopte la même méthode vue précédemment pour le style hiphop en préservant les infra-basses et en venant booster la grosse caisse dans la zone située autour de 80 Hz.
Conclusion
L’égalisation est un thème très vaste, et le rapport entre la grosse caisse et la basse est un sujet à part entière auquel il est important de consacrer du temps. Toutes les techniques évoquées plus haut devraient te permettre de produire un résultat de qualité dans n’importe quelle situation, mais n’hésites pas à sortir des sentiers battus et à réinterpréter ces conseils en fonction de tes besoins du moment. L’important c’est que ça sonne !
Nous espérons que cet article t’a plu, comme d’habitude n’hésites pas à lire ou à relire les épisodes précédents Techniques de mix : les balances, Techniques de mix : panoramique et Techniques de mix : égalisation / niveau débutant et intermédiaire et à partager tes anecdotes et tes méthodes favorites avec la communauté dans les commentaires. C’est en échangeant ensemble que nous continuerons tous à progresser. Bientôt, nous aborderons les techniques d’égalisation avancées pour toutes (ou presque) les autres pistes d’un mixage moderne. La suite au prochain épisode !
