de Mix Jagger | 10 Minutes
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Portrait : Rudy Van Gelder vignette
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Introduction

Rudolph Van Gelder, dit Rudy, a enregistré et produit des milliers de morceaux pour le compte des labels les plus prestigieux : Blue Note, CTI, Savoy etc.  Il a commencé dans ce qui semble être aujourd’hui le tout premier home-studio de l’histoire (dans la maison de ses parents située dans le New Jersey) bien avant que ce terme prenne l’ampleur qu’il a aujourd’hui. Sur ces innombrables projets, il était soit l’ingénieur du son, soit l’ingénieur de mastering, mais en réalité : souvent les deux à la fois. Son histoire est incroyable, et aujourd’hui, nous retracerons ensemble les étapes les plus importantes de sa carrière, en nous intéressant à sa vision de l’enregistrement, à ses techniques, à son choix de matériel et surtout à son état d’esprit avant-gardiste qui a façonné l’univers qui nous passionne sur Gearnews.fr.

Les débuts : pour l’amour du Jazz

Portrait : Rudy Van Gelder - Billie Holiday

Fils de commerçants, RVG est né le 2 novembre 1924 dans une ville moyenne du New Jersey. À l’âge de douze ans, il a vu une publicité pour un appareil d’enregistrement et a commencé à s’intéresser à tout ce qui touchait de près ou de loin à l’audio : radio amateur, conception de tables de mixage et d’amplificateurs DIY, tout y passait. Précisons qu’il jouait de la trompette pendant son adolescence, mais se qualifiait lui-même de musicien « catastrophique ». Cependant, son impact sur la musique enregistrée allait prendre une ampleur inimaginable. 

Au lycée, il fréquentait les clubs de jazz de Manhattan et admirait les sets d’artistes de la trempe de Billie Holiday, Art Tatum ou bien encore Coleman Hawkins. Pour satisfaire ses parents, il a mené à bien des études d’optométrie, mais son intérêt pour l’enregistrement a persisté et tout au long de ses études, il a continué à enregistrer des concerts dans des clubs de jazz proches de son université. Plus tard, lors d’une visite dans une station de radio, il comprendra que sa place est ici, entouré de micros et de musiciens.

Le premier home-studio de l’histoire

Portrait : Rudy Van Gelder - Le premier home-studio de l'histoire
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Après ses études, Rudy retourna vivre dans la maison familiale et fonda son propre cabinet d’optométrie. Mais sa passion pour l’enregistrement allait perdurer et se transformer en une carrière légendaire. À cette époque, ses parents construisaient une nouvelle maison et il les a convaincu de concevoir un salon qui servirait également de salle d’enregistrement pour les musiciens locaux : un plafond plus haut (3 mètres) pour améliorer l’acoustique de la pièce, accompagné d’une cabine de régie à la place du garde-manger.

À cette période, il enregistrait ses clients sur des disques 78 tours pendant son temps libre : il utilisait des micros américains plutôt bon marché (notamment des modèles RCA d’entrée de gamme) et une table de mixage qu’il avait fabriqué lui même. Mais à partir de 1948, l’arrivée des bandes magnétiques a révolutionné l’industrie musicale  : le terme Hi-Fi était né (moins de bruit, une réponse en fréquence élargie, des durées d’enregistrement plus longues etc). Conscient de ces améliorations, Rudy acquit son premier enregistreur Ampex, le modèle 300-C (mono), en juin 1951 pour la modique somme de 1 600 $ (environ 20 000 $ aujourd’hui). Puis il en acheta un second en 1953.

En parallèle, au début des années 50 en Allemagne, l’entreprise Neumann commercialisait un nouveau type de microphone à condensateur qui allait bientôt révolutionner l’univers de l’enregistrement : le modèle U47. Rudy l’aperçu pour la première fois lors d’une visite aux Studios Reeves Sound à New-York (à l’époque, c’était l’un des deux seuls U47 disponibles aux USA, l’autre étant détenu par Capitol Records) et comprit immédiatement qu’il devait s’en procurer un exemplaire pour améliorer la qualité de ses enregistrements. Et si, comme Rudy, tu souhaites profiter des qualités extraordinaires de ce micro, tu peux te le procurer chez Thomann.

Fin 1952, Alfred Lion, cofondateur et producteur du label Blue Note entendit parler de Rudy, il écouta certains de ses enregistrements et décida d’effectuer un galop d’essai avec lui en janvier 1953. Satisfait du résultat, il embaucha Rudy pour quelques sessions supplémentaires et en fit son ingénieur du son attitré. Les six années suivantes furent tout simplement légendaires. En plus de Blue Note, il décrocha des contrats avec d’autres labels de jazz comme Prestige et Savoy et ouvrit pour l’occasion les portes de la maison de ses parents à des dizaines d’artistes de légende : Miles Davis, John Coltrane, Thelonious Monk, Jimmy Smith etc. Les musiciens adorèrent l’atmosphère intimiste et décontractée du home-studio de Rudy et y revinrent régulièrement tout au long des années qui suivirent.

Une approche technique révolutionnaire

Portrait : Rudy Van Gelder - Fairchild

Ce succès s’explique par la philosophie et les techniques d’enregistrement propres à Rudy : des micros placés très proches de la source, un usage créatif de la compression et de la saturation des bandes magnétiques etc. En résumé, des méthodes qui ont marqué à tout jamais l’histoire de l’enregistrement et que nous utilisons tous aujourd’hui (mais qui n’existaient absolument pas à l’époque). Ce n’est qu’au cours des années 50 que le fait d’attribuer à chaque instrument un microphone dédié fit son apparition et gagna en popularité au point de devenir la norme dans les studios du monde entier. Et il est évident que Rudy fut l’artisan de ce succès. 

À cette période, le bruit de fond était extrêmement présent sur les enregistrements commerciaux et pour obtenir le bruit le plus faible possible, Rudy poussait régulièrement le vu-mètre à la limite de la distorsion, tant pendant l’enregistrement qu’au mastering, ce qui permettait à la musique de dominer le souffle des disques vinyles. En réalité, Rudy voulait avoir un contrôle total sur la qualité de ses projets et en 1953, il commença à prendre en charge le processus de mastering pour ses clients réguliers. Cette année-là, il acquit un modèle Fairchild 523, et l’associa à une tête de gravure Grampian pour produire lui-même ses disques Masters. Néanmoins, il estimait que le système pouvait être amélioré. À la recherche d’une solution, il se tourna vers la société Gotham Audio à New-York, et y rencontra un ingénieur prometteur : Rein Narma, qui sera quelques années plus tard le concepteur des compresseur Fairchild 660 et 670 (pour l’anecdote, c’est encore une fois Rudy qui achètera les 2 premiers exemplaires de ces compresseurs mythiques). Pour information, toi aussi tu peux ajouter ces 2 monstres de compression au format plugin à ton set-up, pour une poignée d’euros chez Thomann.

Rudy avait besoin d’un amplificateur lui permettant de graver ses masters plus fort et avec une dynamique plus importante. Un amplificateur plus puissant permettrait non seulement à la musique de dominer le bruit de fond inhérent au support vinyle, mais graver ses disques plus fort garantirait également à ses clients une performance optimale dans les jukebox et à la radio, c’était en quelques sortes le début de la Loudness War. Quelques mois plus tard en 1955 , chez Gotham Audio, Rein Narma lança un nouvel amplificateur de gravure : le système Grampian-Gotham Feedback Cutter qui incluait un étage d’amplification inspiré par la vision de Van Gelder.

Ce n’est pas tout, Rudy fut aussi l’un des pionniers de l’utilisation de la réverb dans ses mixes, il faisait tout ce qui était en son pouvoir pour donner une impression d’espace et de profondeur aux morceaux sur lesquels il travaillait. Il avait pour habitude d’utiliser à son avantage les réflexions de la pièce dans laquelle il enregistrait, mais dès que la technologie le permit, il commença à utiliser des unités de réverb dédiées. Il commença par des réverbs à ressorts mais n’était pas satisfait du résultat, le jugeant trop synthétique à son goût.

Mais en 1957, toujours en Allemagne, l’entreprise Elektro-Mess-Technik (EMT) révolutionna le monde de la réverb avec son nouveau modèle 140, une réverbération à plaques qui, contrairement aux modèles à ressorts, générait des réflexions douces et naturelles. Soucieux d’obtenir un son plus agréable et moins artificiel pour ses mixes, Rudy acquit sans tarder le numéro de série 44 et quelques temps après, le reste de l’industrie musicale le suivit, faisait du modèle 140 un classique des studios professionnels du monde entier. À ton tour, tu peux intégrer cette splendide réverb au format plugin dans tes mixes en passant faire un tour chez Thomann.

Du mono à la stéréo

Portrait : Rudy Van Gelder - Ampex

En mars de la même année, Rudy réalisa son premier enregistrement stéréo professionnel lors d’une séance commandée par le label Blue Note pour l’artiste de génie Art Blakey. Pour l’occasion, Rudy avait acheté un magnétophone portable deux pistes Ampex 350-2P, ce qui se révéla être un investissement réussi puisque quelques mois plus tard, Blue Note commença à enregistrer toutes ses séances au format stéréo. Le label sortit ses trois premiers 33 tours stéréo masterisés par Rudy en personne (avec le fameux logo RVG) : Somethin’ Else de Cannonball Adderely, Moanin’ d’Art Blakey et Finger Poppin’ avec le Horace Silver Quintet.

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Plus d’informations

À la fin des années 50, Rudy pratiquait encore l’optométrie, mais gagnait beaucoup plus d’argent grâce à ses enregistrements. Conscient que son home-studio lui imposait des limites (il ne pouvait pas enregistrer dans le salon de ses parents jusqu’à la fin des temps), il décida de déménager et d’en construire un nouveau dans une ville voisine du New-Jersey. Les portes du nouveau studio ouvrirent en 1959, et Rudy décida d’arrêter son activité d’optométrie pour se consacrer pleinement à son activité d’ingénieur du son. Sa discographie continua de s’enrichir considérablement année après année, grâce à des collaborations avec de nouveaux labels comme Impulse, Verve et surtout CTI.

Ère numérique et héritage

Portrait : Rudy Van Gelder - Ère numérique et héritage

Au début des années 1980, l’enregistrement numérique devint accessible aux studios d’enregistrement. Rudy acquit alors avec enthousiasme son premier magnétophone numérique  : un modèle Sony PCM-1630. Ce système utilisait des cassettes vidéo pour capturer les signaux audio, et allait devenir un incontournable des studios de mastering professionnels des deux décennies suivantes.

En 1986, pour la toute première fois, Rudy engagea une assistante (il travaillait seul depuis le début) nommée Maureen Sickler. Loin des préjugés sur les femmes qui dominaient encore largement l’industrie musicale, il reconnu en elle un incroyable talent pour la production et la gestion d’un studio d’enregistrement. À tel point qu’au cours des trois décennies suivantes, elle assuma de plus en plus de responsabilités et aujourd’hui, elle possède et gère à elle-seule le studio Van Gelder, pour le plus grand bonheur des fans de Jazz du monde entier.

L’histoire de Rudy résonne dans chaque morceaux que nous produisons, dans chaque plugin que nous utilisons, mais au delà de l’aspect technique, c’est avant tout la philosophie du bonhomme qu’il nous faut retenir : embrasser les nouvelles technologies pour les mettre au service de la musique et des gens qui l’écoute, croire en sa vision, travailler encore et toujours plus, et finalement sans-cesse chercher à produire un meilleur son, au service de nos émotions. 

Merci Rudy !

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