de François Brétéché | 12 Minutes

Des premiers synthés Roland monophoniques aux systèmes modulaires, des emblématiques Juno aux légendaires Jupiter, l’histoire de Roland retrace l’évolution de certains des synthétiseurs les plus célèbres de tous les temps.

Le SH-1000 : les synthés Roland entre dans la course

En 1960, Ikutaro Kakehashi, ingénieur et horloger basé à Osaka, crée Ace-Tone, une société spécialisée dans les instruments de musique. Après avoir cédé des parts d’Ace-Tone à de plus grandes firmes et s’être retrouvé relégué au rang d’actionnaire minoritaire, il décide de tourner la page et fonde Roland Corporation en 1972.

Les synthés Roland: SH-1000
Roland SH-1000

Le premier instrument conçu par Roland est également son premier synthétiseur : le SH-1000, sorti en 1973, qui marque le début d’une longue série de produits SH. Typique des synthétiseurs japonais de l’époque, il est pensé pour être placé au-dessus d’un orgue ou d’un piano électrique, la plupart de ses commandes se trouvant à gauche du clavier ou en dessous. À la manière d’un ARP Pro Soloist ou d’un Moog Minimoog Model-D, il possède à la fois des onglets de presets et une section de réglages manuels pour créer ses propres sonorités.

C’est justement cette partie manuelle qui a freiné son succès au Japon, où les claviéristes à l’époque peu familiers avec la synthèse, préféraient les patches prêts à l’emploi (un problème que Roland a résolu avec son successeur, le SH-2000). Pour les utilisateurs plus curieux, cependant, le SH-1000 à oscillateur unique offrait plusieurs formes d’ondes pouvant être combinées à la manière d’un orgue, un filtre Ladder de type Moog, une enveloppe ADSR et deux LFO, ainsi qu’un bruit rose et un bruit blanc. On peut dire qu’ils n’ont pas fait les choses à moitié !

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System 100, 100m et 700


Et les musiciens qui attendaient que Roland leur propose des outils de synthèse plus poussés n’ont pas eu à patienter bien longtemps, car après les synthés mono SH-3, SH-3A et SH-5 sortis entre 1973 et 1975, Roland dévoile en 1976 deux synthétiseurs massifs, suivis d’un troisième en 1979.

Roland System-100
Roland System-100

Le premier d’entre eux, le System-100, est un ensemble semi-modulaire composé de plusieurs éléments : le synthétiseur/clavier Model-101, l’expandeur Model-102, le mixeur Model-103 et sa reverb à ressort intégrée, le step-sequencer Model-104 et les haut-parleurs Model-109. Avec un look de tableau de bord de vaisseau spatial et un son absolument massif, le System-100 marque un sommet pour Roland.

Mais ce n’était qu’un début, car la même année sort le System-700. Un système modulaire complet comprenant neuf oscillateurs, quatre filtres, cinq VCA, quatre enveloppes, trois LFO, un mixeur, un séquenceur, un delay et un phaser. Le prix, comparable à celui d’une voiture de luxe, en fait un objet rare, réservé à quelques privilégiés — une icône des studios haut de gamme.

En 1979, Roland revient au format modulaire avec le System-100M, une version plus compacte et plus accessible — quoique toujours onéreuse. Ce synthé en rack offre une gamme de modules interchangeables comme le double oscillateur 112, le double filtre 121, le double VCA 130, le module enveloppe + LFO 140, le combo ring mod/noise/S&H 150 ainsi que le très astucieux 110, un module VCO/VCF/VCA. Ils seront commercialisés jusqu’en 1983, et le System-100M fait encore aujourd’hui figure de référence, très prisé pour sa richesse sonore et sa polyvalence.

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Du JP-4 à l’Alpha 1


À la fin des années 1970, le monde des synthétiseurs entre dans une nouvelle ère. Si Roland avait déjà prouvé son savoir-faire avec ses machines monophoniques, l’heure était à la polyphonie. Et loin de simplement suivre la tendance, la marque japonaise va s’imposer avec brio dans ce nouveau territoire — ouvrant ainsi un nouveau chapitre de son histoire.

Le premier véritable synthé polyphonique de Roland (en dehors des string machines) est le Jupiter-4, un modèle à quatre voix (aussi appelé JP-4). Nommé ainsi en référence au roi des dieux romains, il va devenir le produit phare de la marque. Mais avec un seul oscillateur par voix, un clavier limité à quatre octaves et un design qui commence à dater, le Jupiter-4 n’a pas encore l’étoffe nécessaire pour rivaliser avec les mastodontes américains de l’époque.

Ce rôle, c’est le Jupiter-8 qui va l’endosser en 1981. Véritable monstre à huit voix, il coche toutes les cases : deux oscillateurs par voix, un filtre commutable de 12 dB/octave et 24 dB/octave, la synchronisation des oscillateurs et la cross modulation. Le clavier est également splittable, permettant d’attribuer des sons différents à sa main gauche et à sa main droite. Mais au-delà de sa fiche technique impressionnante, le Jupiter-8 est surtout célèbre pour une chose : ses sonorités. Capable de briller dans pratiquement toutes les situations et omniprésent sur d’innombrables albums — de Michael Jackson à ABBA, en passant par Depeche Mode ou Giorgio Moroder, il s’est imposé comme un standard en studio.

Roland Jupiter-8
Roland Jupiter-8

La gamme s’est ensuite agrandie avec le Jupiter-6, un Jupiter « abordable » qui a su séduire les producteurs de musique électronique de dance, et le module MKS-80 Super Jupiter. Combiné au programmateur MPG80, il offre un son analogique haut de gamme dans un boîtier au format rack.

Roland Juno-60
Roland Juno-60

Si le Jupiter régnait en maître, le Juno n’avait pas à rougir de ses propres performances. Presque aussi emblématique que la série Jupiter, mais bien plus accessible grâce à un prix abordable, les synthétiseurs Juno à six voix ont suscité un engouement rare, et possèdent encore aujourd’hui de nombreux fidèles.

Le premier modèle, le Juno-6, voit le jour en 1982, suivi de près la même année par le Juno-60, qui ajoute la mémorisation des presets. Le circuit audio, typique de chez Roland, mise sur la simplicité et l’efficacité : un seul oscillateur, un filtre passe-haut non résonant, suivi d’un passe-bas 24 dB/octave au rendu soyeux, une enveloppe unique, un LFO, et surtout un chorus d’une richesse devenue légendaire. La grande nouveauté vient de l’oscillateur : il ne s’agit plus d’un VCO (oscillateur contrôlé par tension), mais d’un DCO (oscillateur contrôlé numériquement). Une puce numérique régule précisément la fréquence, garantissant une stabilité impeccable sans sacrifier la chaleur de l’analogique.

Roland sortira d’autres déclinaisons du Juno tout au long des années 80 : le Juno-106, désormais compatible MIDI, les Alpha Juno 1 et 2 lancés en 1985, ou encore le MKS-7 Super Quartet (1986), un module rack intégrant trois sections de synthé inspirées du Juno-106, agrémentées de sons de batterie issus de la TR-707.

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SH-101, MC-202, TB-303

Chez les producteurs de musique électronique, peu d’instruments procurent autant de frissons à la simple évocation de leur nom que les machines de la série x0x : 606, 707, 808, 909… Des boîtes à rythmes devenues mythiques. Mais comme nous nous concentrons ici sur les synthétiseurs parlons plutôt du SH-101.

Roland SH-101
Roland SH-101

Vous vous souvenez peut-être que le premier synthé Roland s’appelait le SH-1000. Le préfixe SH est depuis resté une signature importante de la marque, et parmi les plus emblématiques, on trouve le SH-101, un synthé monophonique de 1982 qui deviendra plus tard un incontournable des scènes IDM, techno et house. Compact, en plastique et disponible en plusieurs coloris, le SH-101 sonne bien plus que ce que laisserait deviner son apparence! Son architecture ultra-simple — un VCO principal, un filtre passe-bas, un VCA, un LFO — permet d’obtenir un son clair, dense et percutant. Ajoutez à cela deux oscillateurs secondaires (sub et noise), un séquenceur intégré, et vous obtenez une machine taillée pour produire des lignes de basse d’une efficacité redoutable.

Dans la foulée, Roland pousse le concept un cran plus loin : en 1983, la marque découpe littéralement les touches du SH-101, remplace le clavier par des boutons à la Casio, donnant ainsi naissance à la MC-202. Moins populaire que son grand frère, ce petit séquenceur/synthé n’en reste pas moins un bon choix pour ceux qui cherchent une acidbox aux sonorités uniques.

On a tou(te)s besoin d’une 303

Et en parlant d’acid, rares sont les échecs qui ont connu un destin comme celui la TB-303. Sorti en 1981 et abandonné quelques années plus tard, ce petit synthétiseur monophonique avec séquenceur intégré avait été conçu pour accompagner à la basse les guitaristes en herbe (idéalement en duo avec la TR-606, boîte à rythmes au design similaire). Et pourtant, c’est sur un tout autre terrain qu’il s’est imposé.

Dans le Chicago des années 1980, des producteurs de musique électronique en quête de matériel bon marché se sont emparés de la TB-303. Séduits par son grain, ses slides, ses accents, et sa tonalité ultra-malléable, ils l’ont détournée de sa fonction première pour en faire une usine à lignes de basses hypnotiques. Un accident de parcours devenu par la suite un pilier de la culture acid house.

Roland TB-303
Roland TB-303

D-50 et JD-800

Avec l’arrivée du Yamaha DX7 et de la synthèse FM, le marché des synthétiseurs est chamboulé. Les concurrents sont contraints de réagir, et chez Roland, la riposte passe par une alternative numérique : l’échantillonnage.

Roland D-50
Roland D-50

À la fin des années 1980, l’échantillonnage n’avait plus rien de révolutionnaire. Le Fairlight CMI, sorti en 1979, avait déjà ouvert la voie, et Roland s’était lancé dans l’aventure avec son propre sampleur, le S-50, en 1986. Forte de cette expérience, la marque décide d’aller plus loin : elle combine des attaques sonores en PCM (de brefs échantillons numériques) à la synthèse numérique pour créer un nouveau procédé, baptisé synthèse arithmétique linéaire (LA Synthesis). Le tout est intégré dans un instrument devenu mythique : le D-50, sorti en 1987.

Ce synthétiseur au design sobre était capable de générer des sons riches et expressifs, au réalisme inégalé pour l’époque. Le succès est immédiat : le D-50 surpasse le Yamaha DX7 et la synthèse FM, imposant dans la foulée une nouvelle esthétique sonore et marquant un tournant dans l’histoire de Roland.

Roland continuera à perfectionner sa technologie LA au fil des années, son apogée étant le JD-800, lancé en 1991. Conçu par des ingénieurs désireux de redonner aux musiciens un contrôle en temps réel, le JD-800 tranche avec les écrans minimalistes de l’époque : il regorge de curseurs, tous assignés à des paramètres de synthèse. Entièrement numérique, il combine échantillons et synthèse VA et permet d’empiler jusqu’à quatre couches sonores (pilotables indépendamment via MIDI). Il embarque aussi une section multi-effets particulièrement complète pour l’époque.

Malgré ses qualités sonores et son interface très appréciée des sound designers, le prix élevé du JD-800 l’a cantonné à une niche — adopté surtout par quelques artistes et producteurs de renom.

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JP-8000

Roland a continué à développer ses technologies d’échantillonnage et de synthèse au fil des ans, avec la série JV notamment, qui a connu un grand succès. Mais en 1997, alors que le règne du PCM bat son plein, la marque surprend tout le monde en lançant un instrument qui va marquer un tournant : le JP-8000.

La musique électronique, et ses producteurs de plus en plus nostalgiques de la grande époque de l’analogique, profite des avancées de la modélisation physique, ouvrant ainsi la voie à une nouvelle forme de synthèse : la synthèse VA (Virtual Analogue Synthesis). Le JP-8000 est ainsi né d’une époque en quête d’un pont entre le passé analogique et le futur numérique — et il est tombé à point nommé.

Roland JP-8000
Roland JP-8000

Équipé de filtres multimodes de 12 dB et 24 dB/octave (numériques bien sûr), un chorus et un delay (également numériques) ainsi que d’une interface riche en contrôles, le JP-8000 coche toutes les cases. Mais c’est surtout l’introduction de la fameuse Super Saw qui a marqué les esprits. Cette onde, créée en superposant plusieurs dents de scie légèrement désaccordées, produit un son dense et massif, devenu emblématique de la trance. Au fil du temps, elle s’est imposée comme un standard sonore à part entière.

Aira, Boutique et ZEN-Core

Comme beaucoup d’autres constructeurs, Roland a progressivement orienté une partie de sa production vers la relecture de ses classiques, en les adaptant aux besoins contemporains. C’est ainsi qu’ont vu le jour les gammes Aira, pensée pour la scène électro, et Boutique, au format miniature — ressuscitant des icônes comme la TB-303 ou le Juno-106 sous forme numérique. Si les puristes de l’analogique ont pu critiquer cette approche, cela n’a en rien freiné les ventes.

Roland Aira lineup
Gamme Roland Aira

Roland édite également ses propres plugins, convertissant un grand nombre de ses synthés les plus célèbres en instruments virtuels utilisables dans la plupart des DAW. Cette gamme comprend désormais Zenology, un plugin original qui s’inscrit dans un vaste écosystème appelé ZEN-Core — une plateforme de synthèse hybride, matérielle et logicielle, qui alimente des machines comme le Jupiter-X, le Juno-X, la gamme Fantom, ou encore les grooveboxes MC-101 et MC-707.

Roland SH-4d
Roland SH-4d

Le SH-4d, dernier-né des synthétiseurs Roland lancé en 2023, prolonge l’héritage de la série SH, cinquante ans après ses débuts. Il combine des émulations de formes d’ondes issues du Juno-106 et du SH-101, des sons PCM tirés des séries JV et XV, ainsi que de nouveaux moteurs de synthèse VA, FM et Wavetable. Le SH-4d incarne ainsi un condensé de l’ADN Roland, mêlant passé, présent et futur dans un seul instrument.

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