Test en retard du Push 3: le contrôleur autonome d’Ableton Live est-il vraiment révolutionnaire?
Le Push 3, révolution ou simple évolution du Push 2?
Le Push 3 est sorti depuis deux ans déjà, et la plupart des médias et influenceur·ses ont publié leur tests dans la foulée, souvent après quelques jours ou semaines d’utilisation. Mais le Push 3 n’est pas un instrument qu’on apprivoise en un week-end. C’est une machine dense et riche, qui cherche à réduire les frontières entre contrôleurs et instruments autonomes. Après de longs mois passés aux côtés de la version 12.2 du Push 3, voici un retour honnête, posé, et sans détour sur ce qui reste sans doute l’un des produits les plus ambitieux d’Ableton.
Sommaire
Mais à quoi sert ce gros pavé noir?
Depuis le premier Push, Ableton cherche à transformer Live — un DAW pensé pour la souris et le clavier — en un véritable instrument. Le Push 3 pousse cette logique à son paroxysme : cet appareil peut fonctionner en tant que contrôleur de Live, mais peut également tourner sans ordinateur, en mode standalone. L’idée est simple : emporter l’essence de Live partout avec soi, pouvoir créer, arranger et jouer sans écran externe. Le Push deviendrait alors théoriquement le centre névralgique de ton studio ou de ton installation live.
Au déballage, l’appareil impressionne avec son armada de fonctionnalités. 64 pads MPE expressifs, un écran couleur haute résolution, une section de contrôle fluide et réactive, une connectique complète (MIDI, CV, USB, audio), et même une batterie optionnelle pour s’affranchir du secteur pour quelques heures. C’est une belle machine, qui donne envie de créer, de bidouiller, de performer, aucun doute.
Mais une fois passée l’euphorie de la découverte, une question s’impose : jusqu’où peut-on vraiment aller sans ordinateur ? Et surtout, le Push 3 tient-il réellement sa promesse d’autonomie ?
Une qualité de construction impressionnante
C’est un point sur lequel presque toutes les reviews s’accordent, et à juste titre : le Push 3 est une prouesse d’ingénierie matérielle. Le châssis en aluminium anodisé respire la solidité. Les pads sont sans doute parmi les meilleurs jamais produits — à la fois souples, précis, réactifs et expressifs. Ils détectent la pression, la position, le slide*… tout ce qu’il faut pour exploiter le MIDI Polyphonic Expression (MPE) avec naturel. Enfin du moins, sur le papier!
*Mesdames et messieurs fabricants de produits MPE, si vous pouviez uniformiser la nomenclature et tou·te·s utiliser les mêmes termes pour désigner les mêmes geste de jeu expressifs/MPE, ce serait fantastique! Actuellement, on s’y perd un peu.

Un petit zoom sur les pads MPE
Personnellement, je ne suis pas forcément ultra convaincu de la mise en avant du MPE sur le Push 3, qui semble moins bien intégré que sur les bêtes d’expressivité que sont l’Osmose ou le Seaboard. Je dirais que c’est une addition sympa pour ajouter des SFXs, mais si tu veux une expérience expressive totale… opte pour un vrai contrôleur MPE dédié.
Pour le coup, ces pads sont extrêmement efficaces pour des tâches de navigation (lancer des clips, des scènes…) ou de rythmique (finger drumming, séquençage…). Mais pour du jeu harmonique (accords, ligne de basse,…) on se retrouve vite bloqué par la disposition des gammes et la fine épaisseur des pads, même si Push offre des fonctionnalités très bien pensées de quantification de gammes et d’accords avec de nombreux modes couverts.
A mon humble avis, le jeu aux pads correspondra surtout aux non-instrumentistes, DJs et sound designers souvent peu familiers de l’expressivité en temps réel. Ce sera même un outil fantastique pour les inviter à sculpter la matière sonore différemment, voire à improviser en live. Mais ces mêmes pads risquent de rapidement frustrer les pianistes, guitaristes et personnes ayant passé un peu de temps à affiner leur jeu: la course n’est pas profonde et la petite taille des pads rend le maniement du pitch un peu hasardeux. Ça se fait, mais pas sûr que la courbe d’apprentissage en vaille la chandelle quant au résultat sonore final. On est loin de l’expressivité d’un instrument acoustique ou d’un vrai synthé MPE.
Je me suis retrouvé à modifier les enveloppes expressives à la souris et au clavier bien plus souvent que quand je joue avec mon Osmose. Après, il faut quand même reconnaître que la disposition unique des notes sur le Push 3 a le mérite d’inspirer des lignes et des mélodies qu’on ne jouerait pas forcément sur un instrument classique!
À tester donc, ces petits pads MPE… pour voir si la disposition t’inspire ou non. C’est une affaire de goûts et de couleurs. Ou alors peut-être faut-il plutôt voir le Push 3 comme un « camp de base MPE » et que l’on peut connecter à un contrôleur MPE plus performant? A toi de trancher!
Une belle bête
On sent que le hardware a été conçu pour durer, pour résister aux tournées et aux heures de jeu intensif. L’écran, bien que non tactile, est lumineux, lisible même en plein jour, et offre un confort visuel excellent. S’il est malheureusement bien trop petit pour afficher toutes les informations dont on aurait besoin sur Live, il reste néanmoins de très bonne facture.
Le design noir sur noir (à la berlinoise), fidèle à l’esthétique sobre et fonctionnelle d’Ableton, inspire confiance. Tout est à sa place, logique, épuré. Même les nouvelles molettes latérales de pitch et modulation sont agréables, bien qu’un peu rigides au début. On espère que le revêtement plastique (toucher de pêche très agréable) vieillira mieux que sur le Push 2, qui avait tendance à « pelucher » et à coller sur le long terme.
Quant à la solidité et le sérieux qui transpirent de la qualité de construction du Push 3, ils ont un prix: le Push 3 est lourd et encombrant. 38×31,8cm (pour à peine 2,9cm d’épaisseur + les encodeurs, ça c’est top) pour presque 4 kilos! C’est deux fois plus lourd qu’un MacBook Pro 16″. Face à ces mensurations imposantes, je me suis souvent demandé si je devais plutôt prendre un petit contrôleur MIDI, une interface audio et un PC portable en répétition ou sur scène à la place du Push 3. Le Push 3 rentre difficilement dans les housses d’instruments et les sacs à dos sans housse, alors avec une housse, il devient vraiment massif.
Résultat: je l’ai souvent laissé à la maison pour prendre du matériel plus polyvalent et moins encombrant.
Une machine évolutive
Le « port d’extension interne » — qui permet de transformer un Push 3 “contrôleur” (qui nécessite en permanence d’être branché à un PC pour fonctionner) en version “standalone” en ajoutant un processeur Intel i3, un SSD et un ventilateur — montre un vrai désir de voir évoluer le produit. C’est rare dans le monde du matériel musical : une machine qui peut s’upgrader, sans devoir tout racheter. Même si l’initiative semble charitable et permet d’utiliser moins de ressources, je suis néanmoins très dubitatif quant au prix de cet upgrade. Je ne suis pas ingénieur mécanique/embarqué mais 999€ pour un i3, 8Go de RAM, un SSD de 256Gb, une batterie et quelques outils semble être une addition extrêmement salée!
Par curiosité, il faudrait que je demande à Ableton si:
- Les utilisateur·rices pourront choisir leur propres composants à l’avenir pour mettre à jour le push?
- Si d’autres kits (plus de RAM, SSD plus gros en capacités…) seront commercialisés pour faire évoluer encore le Push 3?
L’évolutivité, oui. L’évolutivité forcée et à prix salé à la Apple, non. A voir ce que l’on me répondra.

Bref, le contenant est irréprochable même si quelques choix d’ergonomie diviseront les musicien·nes selon leur style de prédilection et leur propension au nomadisme. Mais quid du logiciel embarqué, est-il à la hauteur du potentiel du hardware?
Un OS limité
Quelques fonctionnalités clef manquantes…
Si le matériel impressionne, le système d’exploitation du Push 3, lui, donne l’impression d’être encore en chantier.
L’idée d’embarquer une version autonome de Live est excitante, mais dans les faits, le Push 3 standalone ne fait tourner qu’une fraction du logiciel complet. Certaines fonctionnalités essentielles de Live sont absentes : pas d’automation d’arrangement car pas de vue arrangement, pas de Max for Live (enfin si, mais l’intégration avec Push 3 depend de chaque device et de son développeur), pas de possibilité d’utiliser des plug-ins tiers. On reste confiné à l’écosystème interne d’Ableton en vue session : les devices natifs, les instruments de base, et quelques effets audio et MIDI.
Cela ne veut pas dire qu’on ne peut rien faire — au contraire, les outils disponibles permettent déjà beaucoup — mais pour les utilisateur·rices de Live aguerri·es, la sensation de manque est réelle.
…compensées par une stabilité excellente!
Quant à la question des plugins tiers en standalone, qui semble avoir divisé la communauté au lancement du Push 3, voici mon point de vue purement subjectif: je comprends le choix d’Ableton et cette absence ne m’a pas du tout gêné (à part quand une fonctionnalité « basique » de mix/production n’était pas couverte par les plugins natifs). Je m’explique avant de me faire tailler en pièces: je trouve que la contrainte génère la créativité et qu’en live (et souvent studio), avoir moins d’outils à disposition permet de créer plus vite et spontanément.
La qualité et le nombre des plugins natifs d’Ableton a sacrément augmenté depuis 4-5 ans et pour du live, je privilégierai personnellement toujours la stabilité. Surtout que, si tu as vraiment besoin de plugins tiers, le tout fonctionnera en mode contrôleur. Le Push 3 étant déjà plutôt fat, emmener un ordinateur portable en plus sur scène ne sera pas la mer à boire!
La machine a été exempte de bugs, et ce pendant de nombreux mois. Le Push 3 est paradoxalement bien plus stable que Live 12 lui-même. C’est rassurant pour du live!
Des ergonomies matérielle et logicielle en demi-teinte
L’interface du Push est claire, réactive, mais parfois rigide. Les menus hiérarchiques multiplient les allers-retours, et certaines actions simples (comme nommer un clip, renommer une piste ou ajuster un paramètre finement) demandent une gymnastique peu intuitive. Je suis pas spécialiste de l’ergonomie mais avoir un écran plus grand aurait peut-être aidé? L’ergonomie de la navigation aurait gagné à être améliorée, il y a beaucoup de fonctions cachées (utilisant la touche shift) et dès qu’on n’utilise plus le Push pendant quelques jours, on a tendance à vite oublier ces raccourcis. Un écueil pourtant évité par des produits complexes comme le Nord Stage 4 ou l’Eventide H90: il y a beaucoup de boutons mais on trouve tout facilement, car chaque bouton a une fonctionnalité, une nomenclature claire et que sa fonction shift peut être devinée à l’avance 95% du temps.
Le Push 3 essaie de mettre beaucoup d’informations dans un tout petit écran avec beaucoup de raccourcis touche cachés, et c’est parfois trop pour être efficace. Je repassais souvent en mode contrôleur pour m’aider de l’interface classique de Live.
Toujours quant à l’ergonomie, voici deux problèmes concrets et que j’ai vus souvent nommés sur les forums Ableton/Reddit:
- 2 super ports pédales sont présents sur le Push 3 mais… ne sont pas assignables. On a un sustain fixe et un « session record » mais par exemple impossible d’assigner l’une de ces pédales à l’envoi de la scène suivante (un must en live) ou toute autre fonctionnalité qui te servirait (pédale d’expression, mute d’une réverb,…). Du coup, on ne les utilise pas les 3/4 du temps alors qu’ils sont sur la machine. Très dommage.
- Pas de compatibilité en USB avec les interfaces audio class compliant (juste de l’ADAT), heureusement la fonctionnalité arrivera avec Live 12.3
Ces 2 exemples, qui sont légion dès qu’on utilise le Push 3 régulièrement, restent symptomatiques de ce qui m’a le plus frustré avec le Push 3: on nous propose un hardware de folie, freiné par une rigidité dans le workflow qui ne rend pas du tout justice à la puissance du fantastique DAW qu’est Ableton.
Plus de flexibilité, s’il vous plaît!
Un workflow efficace…
Regarde les vidéos ci-dessous et tu auras deux exemples concrets de la puissance de Push 3 lorsque tu l’utilises pour sampler ou sequencer. Tu peux aller très, très vite et sculpter tes sons sans ordinateur, les découper, les traiter et jouer avec en 2-2. Bref, pour recomposer n’importe quel son source et faire des musiques électroniques ou du beatmaking en studio… il y a de quoi aller très, très vite et produire efficacement et bien.
…mais qui exclut beaucoup de manières de travailler
Là où ça devient de nouveau assez frustrant, c’est que l’on se rend compte que lorsqu’on sort d’un workflow « beatmaking/séquençage en studio »… le Push 3 devient très pataud et peut faire criser de par ses nombreux manquements, parfois liés à l’architecture même de Live, parfois pas.
Prenons une nouvelle fois quelques exemples pratiques:
- Pas de rack d’effets globaux pour les projets live… il est extrêmement hasardeux de devoir changer de piste, retrouver le bon effet ou le bon rack de macro et faire la manipulation en live. Avoir un rack global pour tout le projet avec, par exemple, une macro pour la reverb piste synthé, une pour le delay de la voix, ou une macro pour le coupe-haut de la drums me semble absolument vital pour rendre le Push 3 plus utilisable en live. Car dans les faits on se retrouve souvent devoir passer par un autre contrôleur MIDI (type nanocontrol de Korg) et qui peut se révéler bien plus flexible pour une fraction du prix.
- Pas de mode live dédié. Pour moi, tout l’intérêt d’un Push 3 standalone serait de pouvoir l’emmener en live pour ne pas avoir d’ordinateur sur scène. Mais dans les faits, trop d’actions sont compliquées à réaliser sans ordinateur. Je voudrais avoir un mode live dédié à l’intérieur du Push 3 pour avoir ma setlist facilement accessible, bloquer des racks d’effets globaux par projet, avoir des presets par chanson… dans l’effet, l’organisation du Push 3 est trop rigide et on se retrouver à multiplier la navigation ou à passer par d’autre solutions (ClyphX Pro, contrôleurs MIDI…) pour éviter de devoir faire 4-5 clics pour simplement atteindre le dry/wet de la reverb d’une autre piste. Chose évidemment impensable en live car bien trop risquée.
- Pouvoir réassigner ses knobs ou pads comme sur n’importe quel contrôleur MIDI sans forcément être en User Mode. Actuellement, on est bloqué sur le mapping d’origine du Push sans pouvoir le modifier d’un iota. On aimerait pouvoir avoir des fonctions assignables à un pad par exemple.
- Le paramétrage des prises ADAT est trop minimaliste sur le Push 3, on aimerait une documentation plus détaillée et une visualisation plus claire de comment connecter son interface audio au Push 3 et bien les régler pour qu’ils cohabitent bien ensemble.
Le problème est, qu’accumulées, ces rigidités de workflow ont un impact important en studio, mais surtout dramatique en live: on perd du temps à s’adapter au workflow du Push 3 et la créativité en prend un coup: « Comment puis-je contourner ce problème? », « Ok, si je simplifie mon projet, peut-être que ça passera ». On sait qu’on aura 0 marge de manoeuvre pour improviser ou sortir des rails imposés par la machine, et c’est frustrant quand on la compare aux produits d’Elektron, bien plus généreux pour s’amuser en live sans flipper de faire sombrer son set à la moindre erreur de manipulation.
Un standalone pas si standalone que ça
L’un des points les plus mis en avant dans le marketing du Push 3 est son autonomie. Pourtant, dans la pratique, il dépend encore beaucoup de l’ordinateur.
Pour commencer, l’installation des packs, des devices et des samples se fait via Ableton Cloud ou depuis Live — impossible d’importer directement du contenu tiers autrement. Ensuite, certaines tâches essentielles (mise à jour, gestion du stockage, synchronisation) nécessitent un passage obligatoire par le logiciel desktop.
Et même une fois tout configuré, on réalise vite que le Push 3 n’a pas la même puissance qu’un ordinateur moderne. Le processeur Intel i3 embarqué fait le job, mais dès qu’un projet devient un peu chargé — quelques pistes d’instruments, un Drum Rack gourmand, un ou deux effets complexes — le CPU grimpe dangereusement.
Ce n’est pas dramatique pour faire des brouillons, de la création sur le vif, ou des performances bien calibrées, mais ça limite l’ambition du mode autonome. Le Push 3 standalone se sent plus à l’aise dans un rôle de sketchpad : on compose une base, on capture des idées, on jamme. Puis, on passe sur l’ordi pour finaliser. Mais du coup, pourquoi un tarif si élevé? Et qu’apporte réellement le Push 3 face au Move, une fois les limitations de l’OS prises en compte.
C’est là que le bât blesse : le concept « d’instrument autonome” ne tient pas tout à fait la promesse. On reste dans un entre-deux : plus libre qu’un contrôleur, mais moins flexible qu’un vrai poste de production. Jongler entre les deux modes reste plus une contrainte qu’un bénéfice.
Une communication Push 3 <–> ordinateur assez maladroite
Un des plus gros axes d’amélioration du Push 3 est sans doute la gestion des projets entre ordinateur et standalone. Le transfert n’est pas fluide : il faut synchroniser les Sets via Ableton Cloud, avec des limitations de compatibilité selon les versions et les devices utilisés. Il faut rentrer des clefs d’autorisation, basculer d’un mode à l’autre… ce n’est pas vraiment agréable et dans les faits j’ai rapidement abandonné l’idée d’utiliser cette fonctionnalité au jour le jour. On rêve d’un système de synchronisation transparente à la Apple, où l’on pourrait passer du mode desktop au mode standalone aussi naturellement qu’on bascule d’un écran à l’autre.
Le Push 3 standalone devenait donc un simple sketchpad pour mes projets à venir et non plus un équivalent autonome de Live… assez embêtant pour un produit à 1899€ difficilement transportable. Mais connaissant le suivi sans faille d’Ableton avec ses produits, je suis sûr que le processus deviendra plus agréable dans une MAJ à venir.
Une connectivité à la fois complète et incomplète.
Sur le papier, le Push 3 coche toutes les cases :
- 2 entrées combo XLR/jack avec préamplis
- 2 sorties ligne + casque
- Entrée/sortie MIDI DIN, USB-A et USB-C,
- 8 sorties CV/Gate,
- Port d’extension pour disque SSD ou mise à niveau.

C’est généreux, surtout pour une machine autonome. On peut brancher un micro, un synthé, un séquenceur, une guitare, voire piloter un modulaire complet grâce aux sorties CV. Le tout dans un format encore transportable.
Mais, encore une fois, quelques détails viennent ternir l’expérience. Par exemple, l’absence de véritables entrées audio stéréo (on doit ruser avec deux monos), ou le manque de flexibilité dans le routage interne. Pas de fonction d’interface audio complète quand le Push est connecté à un ordi — il ne peut pas remplacer ta carte son principale.
Vu la taille et le prix de l’engin, on aurait aimé un autre port USB et au moins une autre paire d’entrées et de sorties stéréo, pour moins dépendre de matériel tier. Et si le Push 3 peut fonctionner sur batterie, l’autonomie reste limitée : environ 2 à 3 heures selon les projets. Pas de quoi tenir un set complet sans secteur. Mais c’est déjà une bonne chose d’avoir la possibilité de piloter Push 3 sans passer par une prise électrique
Enfin, un détail symbolique, qui prouve peut-être que je chipote un peu trop avec le Push 3 : pas de port HDMI ni de sortie vidéo. Pour une machine qui vise la scène, cela pourrait être utile. On aimerait pouvoir la brancher à un écran externe pour des performances plus visuelles ou des sessions de studio prolongées. Cela règlerait au passage le problème de l’écran trop petit du Push 3.
Un Push 3 qui a du mal à se positionner face à Note et Move?
D’un côté, nous avons Note (l’application iOS d’Ableton pour faire des mini brouillons de morceau) et Move (le petit frère/soeur du Push 3, qui permet de développer ses idées musicales plus que Note), pensés pour capturer l’inspiration sur le moment. De l’autre Push 3, que je vous ai longuement présenté dans ce test: c’est le vaisseau amiral d’Ableton, censé pouvoir tout faire et accomplir en contrôleur ou en solo.
Je serais curieux de tester le Move plus en profondeur pour voir à quelle point il « cannibalise » ou pas l’intérêt du Push 3: en effet, le Move est bien plus limité en nombre de pistes et de fonctionnalités… mais il est aussi beaucoup plus portable que le Push 3 et assume ce côté fun et spontané. On fait son brouillon sur un coin de genou(x) et hop on transfère vers Live avant de repartir en vadrouille avec le Move dans la sacoche. Et au vu des importantes limitations software du Push 3, peut-être qu’un Move suffirait à avoir sa petite station de production mobile et faire des brouillons où on veut avant de rapidement les basculer sur Live.

Certes le Push 3 offre une meilleure connectivité et bien plus de pads (expressifs), mais dans les faits, j’ai rarement utilisé les 64 pads en même temps, et encore moins leurs fonctions expressives. Et quand on prend en compte le poids et la taille du Push 3, la question de la comparaison avec le Move se pose vraiment.
Le lancement du Move a été compliqué (nombreux bugs, features manquantes) mais les formidables équipes d’Ableton ont mis les bouchées doubles (voire triples!) et ont sorti beaucoup de très bonnes mises à jour, gonflant significativement les fonctionnalités du petit Move. Je suis curieux de deux choses:
- Comment les deux produits (Push et Move) vont-ils cohabiter dans la gamme d’Ableton? Le hardware diffère, mais tout est possible niveau software. Un Move régulièrement mis à jour pourrait rapidement concurrencer le Push pour la plupart des usages « non avancés ».
- Le Push 3 va-t-il bénéficier de plus grosses mises à jour (mode arrangement ou mode live, rack de macro par projet, plus de flexibilité pour la vue session…) pour le faire évoluer et le différencier plus par rapport au Push 2 et au Move?
J’adorerais donc voir une variante plus petite du Push 3, peut-être avec moins de pads, plus compacte et avec moins d’espace perdu entre les boutons. Ou alors au contraire, avoir quelque chose de la même taille mais avec plus d’encoders/faders/ports et surtout un écran bien plus gros pour contrôler efficacement Ableton Live et vraiment s’affranchir d’un ordinateur.
Un contrôleur qui trouvera néanmoins son public
Pars aussi du principe que ma review a été faite par quelqu’un qui n’est pas dans le coeur de cible d’Ableton. Je ne l’ai pas utilisé pour faire des musiques électroniques, ce pour quoi il semble avoir été conçu et pensé. Je ne suis qu’un humble producteur de musiques actuelles, faisant essentiellement du clavier et de la voix sur de la pop alternative. Mais vu que plusieurs campagnes marketing de la marque mettent en avant des musicien·nes de musiques actuelles (pop, rock, folk,…) et que de nombreux·ses musiciennes de ces genres-là utilisent Ableton sur scène, pourquoi ne pas également s’adapter à leurs besoins?
Pour les fans de musique électronique qui veulent rapidement composer avec leurs sons préférés, Push 3 est un choix évident. L’organisation matricielle permet d’aller vite en studio et le séquençage, sampling, création de SFX et finger drumming sont super funs à réaliser. Pour du live pur, le Push 3 fonctionnera très bien en contrôleur et en standalone pour les projets « bien carrés » ou peu de manipulations sont nécessaires.
Si tu commences à manipuler tes sends, à faire du live looping, à rajouter des pistes, ça devient très « casse gueule » d’utiliser le Push. Il vaudra mieux un simple clavier MIDI de milieu de gamme (type Arturia KeyLab Essential) avec une interface audio flexible. Je recommande d’ailleurs cette solution à tou·tes les claviéristes ou instrumentistes chanteur·se·s, qui sont très nombreux à utiliser Live pour la scène.
Quant à la version à recommander, je penche pour la version pas autonome, qui semble être un meilleur rapport qualité/prix en prenant en compte la différence de pris (900€) et les gros manquements de la version autonome: les pads MPE et l’interface audio sont toujours là, et le poids sera réduit!
Quelques alternatives
Pour contrôler Ableton, c’est vrai que le choix semble évident niveau intégration… mais même si le Push 3 règne en maître sur ce créneau, D’autres contrôleurs bien moins onéreux offrent des fonctionnalités que le Push 3 n’a pas. Voici quelques alternatives à considérer selon ton profil:
- La gamme Launchkey de Novation (à partir de 119€, de 25 mini touches à 61 touches) qui offre un vrai clavier et une superbe intégration avec Ableton.
- Toujours chez les anglais de Novation, le Launchpad Pro (275€) et tous les autres modèles de la gamme, offrent un feature set similaire au Push 3 (sans l’écran, l’expressivité et la connectivité) pour une fraction du prix et un encombrement moindre.
- Chez Akai et avec une approche similaire à Novation (avec toutefois une connectivité boostée et plus d’options de manipulation), on peut recommander l’APC64 ou l’APC40 MkII
- Le langage de script Clyphx Pro (ceci est une option très exotique, je sais), qui permet de simplement programmer des automations extrêmement avancées très simplement pour vous assister en studio et en live. Ceci au tarif de 79€.
- …le Push 2 d’Ableton! In fine, le Push 3 ne change pas vraiment le workflow du Push 2, qui reste une excellente machine, si tu n’as pas besoin de l’interface audio ou des pads MPE. A 300-400 euros sur leboncoin, c’est une super affaire. Fais juste attention à le tester en amont, pour vérifier que tous les pads fonctionnent que le revêtement n’a pas commencé à peler.
Au vu de tous les compromis que j’énonce plus haut et de la concurrence acharnée sur ce créneau, c’est plus le prix qui me questionne que la supériorité du Push 3: 999€ (standalone) et 1899€ semblent un ticket d’entrée assez élevé pour ces deux bécanes. Surtout que, des machines bien mieux onéreuses se révèlent bien plus flexibles que le Push au quotidien… paradoxal!
Conclusion: un fort potentiel que l’on espère voir se concrétiser
Le sentiment que j’ai face au Push 3 est le même que face au Push 2, lorsque j’ai acquis ce dernier en 2019 : de la frustration, car le produit promet énormément sur le papier, et qu’en tant que grand fan d’Ableton, je sais à quel point le potentiel en studio — et surtout en live — est colossal.
Le Push 3 n’est pas un échec. C’est même une réussite assez impressionnante. Mais il reste une machine en devenir, un concept plus qu’un outil pleinement accompli.
L’ambition d’Ableton est claire : offrir une continuité entre le monde du DAW et celui du hardware, permettre aux musicien·nes de créer sans écran, de retrouver un rapport plus direct à la matière sonore. Mais cette vision bute encore sur la complexité technique de Live et sur les limites matérielles du standalone. « Un instrument expressif autonome », nous dit-on sur le site d’Ableton. Dans les faits, le Push 3 est presqu’un instrument, presqu’expressif et presqu’autonome. On espère donc le voir transformer (au moins un de?) ces trois essais grâce à de prochaines mises à jour.
Les pads n’offrent pas toujours une ergonomie et une expressivité incroyables, à mes yeux du moins. Je serais curieux de voir un Push en version clavier, proche des MPC Live Key, mais offrant une intégration plus poussée avec Live, une interface audio, un toucher MPE et surtout plus de flexibilité dans le workflow.
Les mises à jour récentes ont déjà corrigé plusieurs défauts : meilleure stabilité, nouveaux devices compatibles, améliorations de workflow… et on peut espérer que les versions à venir de Live (12.3 / 13…), attendues au tournant, continuent dans cette direction. Quant on voit que le Push 2 continue d’être mis à jour 10 ans après sa sortie, on peut être rassuré. Après, ces mises à jours n’ont pas fondamentalement modifié l’architecture très rigide de l’OS de Push… on verra donc si le 3 reste sur la même lancée orientée musiques électroniques/bien carrées.
Pour conclure, le Push 3 reste un formidable compagnon pour les utilisateurs de Live, plutôt qu’une alternative à l’ordinateur. Il brille en studio comme surface de contrôle performante, et il séduit par son expressivité MPE (même si un peu gimmick) et sa qualité de fabrication. Mais son autonomie réelle reste conditionnelle, car les fonctionnalités et le workflow restent trop limités et rigides pour permettre de produire et jouer spontanément en live ou en déplacement.
À suivre au fil des mises à jour, donc!
