de  Mix Jagger  | 5,0 / 5,0 |  Temps de lecture: 10 min
Publicité
Techniques d’enregistrement : le piano - Partie 1 / vignette
Publicité

En studio, capturer un piano n’est pas une mince affaire. Et aujourd’hui, avec le nombre grandissant de  claviers numériques et de banques de sons virtuelles disponibles, c’est un exercice qui se fait de plus en plus rare. Mais pour toutes les sessions où seul l’instrument original pourra répondre aux besoins de l’artiste, voici quelques conseils qui t’aideront à effectuer un enregistrement de qualité professionnelle. C’est parti !

Introduction

L’enregistrement d’un piano acoustique, quel qu’il soit, représente un défi de taille pour de nombreux·ses ingérieur·es du son. Avant tout, rares sont celles et ceux qui ont la chance de disposer d’un piano de qualité et parfaitement accordé pour développer une expérience et un savoir-faire d’enregistrement qui fera la différence. De plus, il existe une multitude de techniques de captations, que tu devras sélectionner en fonction de la couleur et de l’identité sonore que tu souhaiteras donner au morceau. On n’enregistre pas nécessairement un piano de concert classique comme on enregistre un piano jazz, ni comme un piano destiné à la pop ou à la musique à l’image. Et bien que certaines méthodes puissent traverser les styles musicaux, on préfèrera toujours choisir la technique la plus adéquate en fonction du projet du moment, pour s’approcher au plus près du résultat final dès la prise de son.

La taille et les résonances complexes de l’instrument contribuent à la difficulté du défi à relever, et imposent une rigueur technique implacable à la fois dans la sélection et le placement des microphones, mais aussi et surtout dans le choix de l’instrument en lui-même, de sa place dans la pièce (pièce qu’il faut essayer de choisir aussi, si possible) et du matériel d’enregistrement utilisé, notamment des préamplis.

Le choix des micros

Techniques d’enregistrement : le piano - Partie 1 / Le choix des micros

La tessiture d’un piano est sans aucun doute la plus large de tous les instruments acoustiques, avec certains modèles qui démarrent en dessous de 30 Hz et s’étendent bien au delà de 16 kHz, fleurtants ainsi à la fois avec les infra-sons et les ultra-sons. Comme le disait le célèbre pianiste et chef d’orchestre Herbert Von Karajan : « avoir un piano sous les doigts, c’est comme avoir tout l’orchestre sous sa baguette ». De fait, la plupart des microphones dynamiques ne feront pas souvent l’affaire, car leur membrane relativement lourde n’est tout simplement pas en mesure de capter les mouvements d’air très rapides et souvent subtils des hautes fréquences de l’instrument, du moins pas aussi bien que les membranes plus légères (et donc beaucoup plus rapides) des microphones à condensateur. Cependant, et comme toujours, il existe des exceptions et certain·es ingénieur·es du son font quand même appel à des micros dynamiques, notamment dans la musique pop, pour capter un piano. Les micros à ruban, eux-aussi, sont souvent choisis pour leur capacité à retranscrire un son plus velouté, plus doux, qui complète bien certains modèles de piano qui pourraient avoir tendance à être beaucoup trop agressifs dans le haut du spectre. 

Publicité

La réponse en basses fréquences de l’instrument est telle, qu’il faudra aussi être très attentif·ve aux directivités des micros choisis. Car de nombreux micros directionnels (cardioïdes, hypercardioïdes etc) ont par nature une forte tendance à atténuer les fréquences graves en fonction de leur positionnement par rapport au piano (ce qu’on appelle la réponse hors-axe), ou au contraire, à créer des effets de proximité très importants (en fonction de l’endroit visé) qui viendront complètement dénaturer le rendu sonore final. C’est pourquoi, tu devras plutôt privilégier les micros omnidirectionnels : dans l’idéal, de véritables micros omnidirectionnels (qui restent rares et onéreux) mais sinon, au moins des micros qui possèdent plusieurs options de polarité et qui peuvent se muer en directivité omni. Encore une fois, les micros à ruban, par essence bidirectionnels, sont une alternative de qualité pour réussir cet exercice de captation. Les dimensions physiques très imposantes de l’instrument (qu’il s’agisse d’un piano à queue ou même d’un piano droit) expliquent en partie pourquoi de nombreux·ses ingénieur·es du son privilégient les microphones omnidirectionnels ou bidirectionnels pour la prise de son rapprochée. La raison est très simple : les microphones directionnels ont tendance à focaliser l’attention sur la partie de l’instrument qu’ils visent directement, et créent un déséquilibre en termes de fréquences représentées (trop de basses, trop de médiums, ou trop d’aiguës). Mais quel que soit le modèle de micro utilisé, si tu optes pour une prise de son rapprochée, assures-toi que les micros utilisés encaissent des niveaux de pression acoustique élevés sans broncher. En effet, les pianos peuvent être très (trop) puissants et ainsi faire saturer l’électronique interne des microphones et des préamplificateurs. Ainsi, l’utilisation du pad d’atténuation du micro ou du préampli (s’ils en possèdent un), est également une option à considérer dans la grande majorité de cas.

Comprendre l’acoustique du piano

Techniques d’enregistrement : le piano - Partie 1 / Comprendre l'acoustique du piano

Heureusement pour nous, quelques règles de base permettent de trouver plus facilement (et avec plus de fiabilité) la position idéale d’un micro pour obtenir le son recherché. Il faut d’abord comprendre que les hautes fréquences se propagent généralement en ligne droite, tandis que les basses fréquences se propagent généralement dans toutes les directions en même temps. Conséquence directe : le son produit à l’arrière d’un piano (même quand le couvercle est ouvert) est presque toujours inexploitable, trop terne et mal défini. De plus, les bruits mécaniques des pédales sont toujours plus audible à l’arrière. C’est donc naturellement une position à éviter pour tes placements microphoniques.

Au dessus du piano, le couvercle (qu’on appelle « lid ») influence aussi à sa manière la dispersion des hautes fréquences, en les réfléchissant vers le public. Ainsi, une fois excitées les fréquences quittent les cordes, rebondissent sur l’intérieur du lid et se diffusent vers l’auditoire. Et cet effet acoustique est évidemment encore plus prononcé dans l’axe des marteaux. Ainsi, un micro placé sur cet axe, (sous le couvercle ouvert) captera donc le son le plus brillant possible. A contrario, plus on rapproche un micro du pied de l’instrument, moins le couvercle réfléchit les hautes fréquences et automatiquement, le son perd en clarté et en définition (on pourrait dire qu’il manque d’air, pour paraphraser nos consoeurs et confrères anglo-saxonnes·ons). Et ce pour une raison simple : la caisse du piano (qu’on appelle « rim ») bloque une grande partie des fréquences qui n’atteignent pas le microphone. D’ailleurs, un phénomène similaire se produit pour les micros placés derrière le ou la pianiste, et paradoxalement c’est la raison pour laquelle tu ne verras quasiment jamais de placements microphoniques qui tentent de reproduire la position de l’artiste au clavier, afin d’éviter que son corps fasse barrage et atténue trop fortement les hautes fréquences de l’instrument. Cela ne signifie pas que ces positions sont inutiles, elles peuvent parfaitement être utilisées en complément d’autres placements, mais ne se suffisent tout simplement pas à elles-mêmes pour réaliser une captation de qualité.

Préparer la session d’enregistrement 

Techniques d’enregistrement : le piano - Partie 1 / Préparer la session d'enregistrement

Jusqu’ici, nous sommes parti du principe que le couvercle du piano est toujours complètement ouvert, mais naturellement, tu pourrais te demander ce qui se passerait si ce n’était pas le cas. En pratique, fermer complètement le couvercle est rarement une bonne idée, car la caisse de résonance atténue davantage les hautes fréquences que les basses, ce qui donne un son étouffé et déséquilibré, très rarement exploitable. De même, retirer complètement le couvercle est aussi une mauvaise idée, car sans lui les hautes fréquences se dirigeraient principalement vers le plafond de la pièce, plutôt que vers l’extérieur du piano et donc vers les micros. De plus, l’absence de lid modifierait aussi les résonances naturelles de l’instrument, entraînant inévitablement une réduction de la profondeur des fréquences basses. Parfois, lorsque le piano joue de concert avec d’autres instruments, tu pourras faire le choix d’utiliser une tige de maintien du lid plus courte pour n’ouvrir le couvercle qu’à moitié. Cela te permettra d’adoucir légèrement la tonalité d’ensemble sans sacrifier une plage d fréquences particulière. 

L’autre élément fondamental à prendre en compte concerne la distance entre les micros et l’instrument. En effet, dans une pièce d’enregistrement neutre : plus les micros seront éloignés du piano, plus le son capté sera réverbéré. C’est logique, les réflexions de la pièce viendront se mélanger avec le son de l’instrument et créeront donc un effet de distance, mais aussi une sensation d’espace, que tu pourras choisir d’utiliser ou pas en fonction de tes besoins. N’hésites pas à prendre ton temps pour chercher et trouver le bon équilibre entre le son direct et le son ambiant, en jouant tout simplement sur les distances horizontales et verticales entre les micros et l’instrument. Car comme tu t’en apercevras très rapidement, même des différences infimes dans le placement des micros produiront des changements importants dans le rendu sonore final. Encore une fois, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise manière de faire, alors expérimentes et détermine ce qui conviendra le mieux au morceau et à l’esthétique souhaitée par l’artiste.

Conclusion

Tous ces principes fonctionnent pour tous les types de piano, piano à queue ou piano droit, et de nombreux points à prendre en compte sont les mêmes pour les deux types d’instruments : il faut prendre en compte les avantages et inconvénients des différents types de micros et de leurs directivités, comprendre l’acoustique de l’instrument et la manière dont il diffuse le son, et se rappeler de toujours travailler avec la distance et à la hauteur du placement des micros. La seule différence majeure pour le piano droit est la possibilité de retirer le couvercle car en fonction des modèles, c’est souvent le seul moyen d’accéder aux cordes pour placer le microphone au dessus en prise de proximité.

Dans un prochain épisode, nous aborderons ensemble plusieurs cas pratiques d’enregistrement du piano : des recommandations de modèles de micros et de préamplis pour tous les budgets jusqu’aux différentes configurations de placement possibles, en fonction des styles musicaux les plus variés. Pour conclure, nous espérons que ce article t’as plu et qu’il t’a permis d’aborder la prise de son du piano de la meilleure manière. Prends le temps de lire ou relire notre série d’articles sur les techniques d’enregistrement : Techniques d’enregistrement : la batterie / niveau débutant et intermédiaire, Techniques d’enregistrement : la batterie / niveau intermédiaire et avancé et Techniques d’enregistrement : les percussions traditionnelles. Enfin, comme toujours, n’hésites pas à partager ton point de vue, tes questions, tes expériences et tes techniques personnelles sur l’enregistrement du piano avec la communauté dans les commentaires. C’est en échangeant ensemble que nous continuerons toutes et tous à progresser. La suite au prochain épisode !

Comment trouvez-vous cet article ?

Évaluation: Votre: | ø:
Publicité

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *