de Naud | 4,9 / 5,0 | 22 Minutes
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Aujourd’hui, on rencontre Fanny Pisonero, l’ingénieure son marseillaise hyperactive qui casse les codes du métier depuis 10 ans. Elle te dévoile son matos préféré, ses tips en studio, ses stratégies pour les réseaux sociaux, la place de la femme dans l’industrie musicale et sa vision de l’industrie dans la ville phocéenne.

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Fanny Pisonero en studio avec SCH, la nouvelle légende du rap marseillais.

Allez, cap sur Aubagne! Armé de toute ma patience et de tout mon courage, j’affronte le trafic marseillais pour rejoindre l’ingénieure son et productrice au studio Voltaire Records. Après un petit repas à parler son et production ensemble (normal, pas le temps de parler de la météo!), nous voilà dans l’antre de la louve, sans trop de surprise entourés de très joli matériel audio.

Pas de chichi avec cette franche Marseillaise, on lance l’enregistrement et on déroule la pelote de ses 15 dernières années de carrière. Comment s’est-elle lancée? Quelles sont les composantes de son son signature? Comment a-t-elle construit sa marque sur les réseaux? Qu’a-t-elle à dire sur son vécu en tant que femme dans un milieu encore profondément machiste? Quels sont ses projets à venir? La productrice a beaucoup de chose à raconter, avec toujours ce désir de partager et d’aider les nouveaux et nouvelles qui rentrent dans le milieu de la musique. C’est parti!

Du travail, encore du travail – de la chambre jusqu’aux disques de platine!

Pour Fanny, l’aventure du son commence à Aubagne, belle localité proche de Marseille. Biberonnée à la musique et fan de chant depuis son enfance, elle ne grandit pourtant pas dans un milieu artistique et n’a pas la possibilité de pratiquer la musique en tant qu’instrumentiste ou chanteuse. Mais qu’à cela ne tienne, la passion et la niaque sont déjà là. Fanny va donc, à l’âge de 16 ans, se diriger vers le milieu de l’ingénierie du son, un domaine qui pique son intérêt depuis plusieurs années.

Il lui faudra 5 ans de travail et d’épargne assidus pour pouvoir se payer un cursus à l’AIS, une école de son basée à Marseille. De l’enseignement reçu à l’AIS, Fanny retient surtout la pratique: « Ce que ça m’a apporté surtout, c’est l’opportunité de pouvoir faire des immersions en studio. »

La rencontre avec le producteur et ingénieur son de renom, Jérémie Tuil (Soprano, Kendji Girac, Pierre Garnier, Kyo, Amir, la liste est in-ter-mi-nable), sera notamment clef pour Fanny. Elle va sauter la case « petits projets » (qu’elle affectionne pourtant énormément, pas de discrimination avec elle!) et faire ses armes en tant qu’assistante de production et dès 2013 au studio Météor (Paris) avec l’artiste Gradur, alors en pleine préparation de L’homme au bob (2015). Durant cette période de formation, l’ingénieur est aussi marquée par la période où « on a commencé à travailler avec des artistes que j’écoutais quand j’étais jeune. » En plus de Gradur, Fanny se forme aux productions urbaines AAA avec P.D.R.G. de Rohff (2013), un des hits majeurs de cette année.

Une fois le pied mis à l’étrier avec cet album qui a cartonné, Fanny se lance en tant qu’indépendante. Et ça se goupille plutôt bien, les crédits vont s’enchaîner dans les années suivante: SCH, Jul, Freeze Corleone…

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fanny poisoner en studio
Concentration max en studio!

Le son Fanny Pisonero: de l’écoute active, des prises de risque et du matos savamment choisi

Souvent cantonnée par la presse au milieu du rap et de l’urbain, Fanny Pisonero a pourtant commencé à diversifier les projets sur lesquels elle travaille désormais chez Voltaire Records: électro, pop et même rock!

Mais même avec ces nouveaux projets entre les mains (et les oreilles), on reconnaît la patte Fanny Pisonero. Ça cogne tout en restant lisible, la voix est toujours chouchoutée, reste au centre de la narration et surtout se voit animée par de nombreux effets: les pistes de send (réverbs, delays…) et les effets en inserts sont joués comme de véritables instruments et viennent rajouter un aspect 3D à ses productions. On a vraiment peur de regarder ses pistes d’automation!

Très curieux d’en savoir plus, j’aborde donc le volet du son avec Fanny: « Qu’est-ce qui fait ta signature sonore, reconnaissable entre 1000? ».

Ses indispensables niveau matos

En vraie amoureuse de matos, elle embraye directement avec les références qui façonnent son son: « La reverb que j’utilise est quasi la même depuis très longtemps, tu vois. Je la travaille et la sculpte à fond! C’est la plate d’Abbey Road (Waves).« 

Il est vrai qu’à l’écoute de quelques-unes de ses prods, on retrouve vite le son profond et velouté (oui, on parle comme en cuisine, ici) de la plate à droite à gauche. Assez surprenant d’avoir cet effet vintage si simple inclus dans des productions ultra modernes et chiadées. Surtout que plugin coûte 34€ au moment où j’écris ses lignes (ndlr: octobre 2025). Après, quand on voit la place prépondérante qu’occupent les voix au sein des productions de Fanny, on comprend le choix de la plate: enveloppée comme ça, la voix ne peux que capter l’attention de l’auditeur·rice.

plate reverb waves abbey road
La réverb Plate de Waves

À la manière d’un·e instrumentiste, la productrice a ses outils de choix pour aller vite et produire bien. Son DAW de choix, c’est Pro Tools, et ça ne changera pas! « Pro Tools, c’est l’essentiel de mon workflow parce qu’aujourd’hui on vient voir Fanny aussi parce que ça va vite. Et ça va vite parce que je connais mon logiciel par cœur. » nous confie-t-elle.

Et on sent que cette volonté de donner des gros coups de pinceaux, d’esquisser rapidement le morceau pour lui donner la bonne couleur de production et de mix, se traduit aussi dans le choix des plugins. Les suites Waves, mentionnées plus haut, ne sont donc pas là au hasard: « Et derrière Waves parce que c’est du rapide, c’est du efficace, ça va droit au but parce qu’il ne faut pas oublier qu’à la base je fais du rec (ndlr: rec vient de recording ou enregistrement en anglais).« 

Et logiquement, en tant qu’ingénieure initialement spécialisée dans l’enregistrement vocal, son focus est sur la qualité de la prise et de la qualité de la chaîne de signal

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Waves Abbey Road Reverb Plates Download
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(30)

La science de la chaîne de signal, de l’acoustique et de l’adaptation au matos sur place

Commençons avec un peu de bon sens, et une explication pratique de la chaîne de signal qui donne une belle leçon de concision aux pros du milieu. « Ça ne sert à rien d’avoir un micro à 4 000 euros si derrière tu as une carte son à 500 euros, et un ordinateur qui n’a pas de bon processeur. Il faut que tout soit au même niveau. C’est aussi simple que ça.« 

Avoir un bon setup pour enregistrer des artistes, c’est donc surtout une histoire de cohérence entre les pièces de matos et leur qualité… aucun maillon faible (même un câble) ne peut être toléré, au risque de gâcher n’importe quelle prise de son, même s’il y a 10 000€ de matériel utilisé par ailleurs.

La même logique s’applique pour la pièce: l’ingénieure son professionnelle nous confie qu’elle préfère travailler avec du matériel semi-pro et une bonne cabine de chant que du matériel hors-norme et une pièce à l’acoustique imparfaite.

« Je suis sûre que tu peux me mettre au défi d’enregistrer avec un AKG, Rode NT1 ou une Focusrite. Je peux en faire quelque chose de bien parce que j’ai bien traité ma pièce. L’enregistrement c’est une chaîne, une bonne acoustique, une pièce qui sonne bien, un bon micro, une bonne carte son, un bon ordinateur, un bon ampli, et le tout relié par des bons câbles.« 

Très pédagogue et axée « partage d’information pour ceux/celles qui se lancent », la productrice enchaîne et insiste encore sur la primauté de l’acoustique sur tout le reste. Avoir une bonne pièce est primordial pour avoir un bon enregistrement:

« Je préfère avoir du matos moyen dans une bonne pièce qu’avoir du très bon matériel dans une mauvaise pièce. Un super micro U87 dans une pièce qui n’est pas traitée, ce sera toujours une catastrophe.« 

Marier analogique et numérique, le combo gagnant

Même si elle peut s’adapter à n’importer quel matériel, Fanny a quand même ses incontournables. Sa recette magique? Coupler l’efficacité et la flexibilité du numérique au grain inimitable de l’analogique. Pas de masochisme passéiste où on se force à utiliser des outils vintages « pour l’effet wahou », juste de l’efficience et du gros son.

« Pour moi, ça roule à 90% sur du Waves et sur des grands classiques comme le Pro Q4 de Fab Filter. Je ne peux pas ne pas travailler sans lui: j’ai mes raccourcis, je vais vite. » Fanny utilise donc les plugins pour dégrossir rapidement les tâches techniques (retouches, EQ, compression,…) et colorer le mix rapidement.

Pour les micros, le choix des références est moins clair, car Fanny semble apprécier toute une variété de jolies références, que voici pêle-mêle: « C’est le TF39 (de Telefunken) que j’aime beaucoup… je rêverais d’un U47 ou d’un Sony C800, on aimerait tous l’avoir. J’ai aussi été fascinée par le Townsend, le Labsphere de UAD. J’aime bien aussi tout ce qui est chez Blue. »

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Telefunken TF39
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Neumann U47 FET
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Warm Audio WA-8000
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Universal Audio Sphere DLX Modeling Microphone
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On sent que ces allers-retours, cette danse entre analogique et digital sont vraiment au coeur du son de la productrice… à partir du moment que ça ne lui fait pas perdre de temps!

« Je ne fais pas d’enregistrements à bande, et je n’utilise pas de console numérique analogique. Par contre j’ai des racks d’inserts analogiques et ça, mes racks… j’y tiens, c’est super important! C’est quand même pas pareil de prendre son micro et de rentrer directement dans sa carte son comparé à l’ajout d’un préampli en milieu de chaîne. Par exemple, j’ai ici le choix entre le Manley Voxbox et le Chandler, ce que j’appelle un choix de riche. »

Travailler en équipe (bienveillante) pour mieux faire sonner les artistes

Maintenant, nous avons une meilleure idée du workflow de Fanny: celui-ci est basé sur un subtil équilibre entre beau matos analogique, plugins efficaces et surtout un travail de la pièce et de l’enregistrement pour soigner le matériau de base avant la post-prod. Mais malgré tout cela, nous n’en sommes que 50% du travail effectué par la productrice.

En effet, pour Fanny, l’ingénieur·e son doit maintenant assumer un rôle d’artiste, de DA, surtout lorsqu’il bosse avec des artistes indépendants en devenir. Ceux-ci peuvent être débordants d’idée et de créativité mais manquer d’expertise pour concrétiser leurs idées ou avoir la confiance nécessaire pour les assumer pleinement. « L’ingé son, pour moi, il est technicien, mais il est aussi artiste en soi. L’ingé a aussi ses idées en rap. « 

Mais concrètement, comment un ingénieur son technique peut faire de l’artistique et du créatif? Ne t’inquiète pas, l’ingénieure son va vite te donner la réponse.

L’ingénieur·e son devenu directeur·rice artistique

« Il faut endosser un petit peu ce rôle de directeur artistique et donner des idées. Si tu es avec un mec qui est stressé en cabine, qui n’est pas à l’aise, il n’aura pas les idées qu’il faut au bon moment. Du coup, ton enregistrement, il sera juste bien techniquement parlant, mais artistiquement parlant, il vaut zéro.« 

Voilà, tout est dit dans cette tirade: être un bon ingénieur son, c’est bien encadrer un artiste qui peut être stressé et le nez dans le guidon, car il doit gérer 1000 autres choses pour son projet. Et l’enregistrement n’est qu’une des interminables étapes de cette quête. L’ingénieur son doit donc être à l’affût et guetter les éclairs de génie de l’artiste pour les capter, les amplifier, les grossir ou au contraire les contrôler si ceux-ci manquent de précision ou deviennent trop attendus.

Comme toujours, Fanny rend hommage à ses idoles et inspirations et te donner un exemple concret d’ingénieur son à l’approche de DA:

« Je crois que le meilleur exemple d’un ingé son DA, c’est Sherkovie, qui a bossé sur le projet de Gazo. Sans Sherkovie, pour moi, il n’y a pas cette mixture magique.« 

Le retour du tandem artiste / producteur·rice!

Et non, tout le monde n’est pas Jul… Tout le monde ne peut pas non plus produire ses propres sons avant de poser ses textes dessus. Bien au fait de la fascination autour de cet artiste-producteur marseillais, Fanny explique que statistiquement, ce genre de situations est une exception:

« On a eu Jul qui est arrivé, qui a enregistré 500 sons tout seul dans un studio et a explosé en solo. C’est rare, c’est très rare. Tous les autres poids lourds de notre génération (Orelsan, PNL, Ninho)… n’ont pas fait ça seul. Il n’y a que Jul qui l’a fait tout seul, mais je pense sincèrement qu’il y a une association artiste-producteur qui est inévitable.« 

Les artistes seraient donc « faits » pour trouver leur moitié en production/ingéniérie et tirer le meilleur de leur interprétation: l’union fait la force. Et si on étend la vision de Fanny à d’autres artistes (Rick Rubin pour les Red Hot Chili Peppers, Jack Antonoff pour Sabrina Carpenter, Finneas pour Billie Eilish, Quincy Jones pour Michael Jackson,…), il devient évident que les artistes de légende ont souvent un producteur et ingénieur son de génie derrière.

Mettre à l’aise et inspirer l’artiste: une compétence clef!

Soucieuse d’illustrer son propos et de mettre en avant la scène locale, Fanny me détaille maintenant comment elle a mis en place ce tandem artiste-producteur avec Lysore, un chanteur d’Aix-en-Provence.

« Un artiste appelé Lysore, sorti d’une école de chant réputée du coin, est arrivé dans mes locaux avec un projet que j’ai trouvé intéressant. » commence-t-elle. « L’intention était bonne mais il manquait des choses dans les prises vocales malgré une voix incroyable. Il est arrivé avec une grosse charge mentale: il en avait gros sur la patate. Et quand il est reparti… en me disant tu m’as libéré d’un poids!« 

Pas de coup de baguette magique ici, mais juste du travail!

En mettant les égos de côté et en bossant ensemble, en proposant des choses ensemble, on est arrivé à un projet. Et effectivement, parce que je l’ai écouté, je me suis adapté à lui, mais aussi parce que je l’ai sorti aussi de sa zone de confort… tout comme lui il m’a sorti aussi de ma zone de confort.

Ne pas copier les autres: un mantra non négociable

Et si le son ne venait pas que du matos, mais bien de la manière de travailler de l’ingénieur son? « Je pense que le son signature de Fanny, c’est un mindset carrément. » Lors de l’interview, l’ingénieure a souvent axé son discours plus sur la méthode d’enregistrement et de production que sur le matos pur et dur. Une bonne chaîne de signal, oui… mais ça ne remplacera jamais l’intention et le savoir-faire de l’ingé derrière la console ou l’ordinateur.

On vient souvent voir Fanny avec des requêtes très précises: « j’ai un type beat à la Drake », « je veux sonner comme Jul », « tu peux me faire une prod à la Skread »? Mais plus le temps passe, plus l’ingénieure travaille sur son propre son et encourage les artistes et producteurs à faire de même. Pourquoi chercher à copier autrui quand on peut créer son propre son, sa propre sensibilité?

Elle reprend l’exemple de Jérémie Tuil, le producteur à succès mentionné plus haut dans l’article:

« Souvent, quand Jérémie partait le soir du studio, je reprenais le mix qu’il avait fait et je reproduisais les mêmes effets, mais ça ne sonnait pas pareil. Et pourtant, j’avais le même réglage, mais ça ne sonnait jamais pareil. Et en fait, j’ai fini par comprendre que parce que Jérémy, il a sa patte et moi, il faut que j’ai la mienne. Je ne cherche donc plus à reproduire. »

Ce paragraphe résume tout: Fanny, comme tout le monde, s’est inspirée de ses artistes et beatmakers favoris, mais ne cherche plus à copier, à suivre les trends ou à singer. Peut-être devrais-tu apprendre de ça pour tes prods? T’inspirer, oui mais surtout innover et ne pas copier!

L’entrepreneuse: comment créer sa marque et générer du business sur les réseaux sociaux?

Ah, la, la! Les réseaux sociaux… on en souffre tou·tes en tant qu’artistes, on cherche à cracker le code pour les utiliser à son avantage sans y laisser notre âme. Une partie inattendue de mon entretien avec Fanny fut celle concernant les réseaux sociaux. Je l’ai connue comme cela, grâce à sa collaboration avec Konbini et j’étais donc curieux de voir ce qu’elle avait à dire sur le sujet.

Un extrait de l’Instagram de Fanny Pisonero

Tu vas voir que les réseaux sociaux font partie intégrante de l’image de marque de la productrice et qu’elle a quelques recettes à partager pour que tu contrôles un peu mieux ton image et l’utilises à ton avantage.

Identifier ses audiences et leur proposer le bon contenu!

« Il y a du spontané et du calculé car j’essaie de toucher le plus de monde possible. » Le ton est posé des les premiers mots: on ne travaille pas sa communication au hasard, on réfléchit au contenu et on essaie de communiquer naturellement avec ses audiences.

Ce qui revient souvent dans les propos de Fanny, c’est le terme de « ciblage »: elle propose du contenu à des audiences. La notion de destinataire est ultra importante. Si ton contenu a peu d’engagement, peut-être est-ce par qu’il n’a pas de destinataire: à qui communiques-tu, que veux-tu dire à tes audiences? Plus tu seras engageant et divertissant, plus ta communauté sera soudée et derrière toi!

Fanny sépare en deux sa communauté: les gens qui veulent se divertir et ceux qui veulent apprendre: « D’abord, il y a le storytelling, les gens qui ont envie d’écouter des histoires: ta vie en studio, des anecdotes. Ça marche très bien sur TikTok. Parfois je fais aussi, avec l’accord de l’artiste, des lives où je mixe voire même où j’enregistre.« 

Le contenu est préparé (mais toujours de manière spontanée) pour chaque audience. De la même manière que pour son contenu généraliste, Fanny cible aussi les producteur·rices: « Il y a ceux qui ont envie d’apprendre, qui ont une soif de savoir. Donc là, tu proposes du tutoriel.« 

Et la résultante de tout ce travail sciemment planifié est une belle croissance et une communauté engagée: « En essayant de cocher toutes ces cases-là, ça donne un algo qui vit.« 

Rester sincère et créer une communauté bienveillante

Même si on fait les choses intelligemment, il est important de garder une communication spontanée, naturelle et passionnée… une communauté plus petite et bienveillante pourrait être plus gratifiante à gérer que quelque chose de plus « gros et diversifié ». Fais donc attention au message et aux valeurs que tu souhaites diffuser.

« Sur cette communauté-là, j’ai vraiment une bienveillance qui est incroyable. Donc, si on n’est pas passionné et qu’on ne pense qu’à faire de l’argent et que du business, ça ne fonctionne pas. Écoute-toi, ne te laisse pas embrigader dans des projets où on te promet monts et merveilles. Et ne lâche jamais ce côté passion. Jamais, jamais, jamais.« 

La mère: être à 150% en studio et en famille.

Les valeurs de la productrice se retrouvent aussi dans son approche sans tabou de thématiques souvent étouffées et mises sous le tapis dans l’industrie: quid de la place de la femme dans l’ingénierie son? Peut-on concilier maternité et vie pro menée à tambours battants? Il était important pour moi de mettre en valeur cette partie de l’entretien, qui oui ne parle pas de matos, mais est pourtant cruciale pour donner une voix aux nombreuses femmes qui font vivre l’industrie par leur travail acharné et méticuleux.

« C’est très dur d’être une femme dans ce milieu. C’est difficile de pouvoir faire de longues heures au studio quand on a un bébé qui nous attend à la maison. Là où le papa peut plus s’émanciper et aller développer sa carrière, pour une femme, c’est plus compliqué. « 

Comme dans de nombreux métiers artistiques aux horaires décousus, concilier une vie de famille saine avec sa vie professionnelle relève de la jonglerie de haut vol! « C’est aussi la faute de certains hommes un peu machos: voir une femme réussir mieux qu’eux, ça les embête. Voir une femme qui a raison, une femme qui a plus d’ambition qu’eux, ça les embête. « 

Le machisme fait malheureusement partie intégrante de l’industrie musicale et met une pression supplémentaire sur les femmes du métier, qui doivent subir plus de pression, de remarques et de discrédit de la part de certains de leurs collègues masculins. Et cette malveillance peut avoir des conséquences dramatiques pour les carrières féminines en ingénierie du son:

« Cette hostilité, je ne l’ai pas gérée, j’ai fait un burn-out. J’ai failli arrêter, j’ai commencé à me questionner sur une réorientation professionnelle. »

Mais rassurons-nous, l’ingénieure son du rap français reste une battante et grâce à un entourage bienveillant et un solide moral… elle est remontée en selle.

La Marseillaise: une personnalité forte qui forme et réveille la scène locale.

Donner un nouveau souffle au vieux Marseille un peu clientéliste

Fière de ses origines, Fanny est néanmoins lucide quant à la situation actuelle de l’industrie musicale marseillaise et de la région PACA, qui attire de plus en plus de nouveaux et nouvelles arrivant·es venant d’un peu partout: « Et en plus on a de plus en plus de Parisiens* qui viennent dans le Sud et qui kiffent le Sud parce qu’il y fait bon vivre, il y a une qualité de vie qui est incroyable.« 

Cet afflux de méthodes, de gens du métier motivés n’amène pourtant pas la dynamique escomptée sur la scène locale: « Mais on n’a pas encore réussi à mettre en place les choses, les structures, à faire bouger les choses, vraiment.« 

Ayant eu extrêmement de mal à créer des événements pour les artistes émergents de la scène locale, je ne pouvais qu’encourager l’honnêteté de Fanny sur le manque de renouveau des institutions musicales locales: « Il y a des structures qui s’ouvrent, mais c’est toujours les mêmes qui y ont droit. Le nombre de personnes que j’ai vu qui avaient l’enthousiasme, l’envie, la motivation, mais qui ont baissé les bras parce que c’est trop dur en fait. C’est trop dur, les portes sont fermées, vraiment.« 

L’espace apparent sur la scène (comparé à Lyon, Toulouse ou Paris) et les possibilités d’entreprendre quand on débarque sur la scène marseillaise seraient donc un peu trompeurs: « Tout le monde dit qu’il y a juste des portes à ouvrir. C’est ce que j’ai pensé au départ. C’est compliqué Marseille, car quand t’es pas le copain d’un tel ou d’un tel, t’as pas l’accès à ce que tu aimerais avoir. »

Malgré sa bienveillance et son désir de voir la ville réussir, la productrice conclut de manière franche et sans détour: « Pour moi c’est une ville qui se gâche un peu. C’est dommage.« 

*En parler marseillais, un « Parisien » désigne plus ou moins péjorativement toute personne ce qui ne vient pas d’un périmètre de 10km autour de la ville phocéenne. Étant toulousain d’origine, je tombe donc paradoxalement dans la catégorie des « Parisiens ». Bizarre, je pensais que Toulouse était à 700km de Paris?

Donner une plateforme d’expression aux musicien·nes émergent·es

Une fois ce triste constat fait, on ne pouvait pour autant pas se quitter comme cela… ce vide musical laissé autour de la ville, Fanny compte bien le remplir pour donner une résonance aux artistes et acteur·rices de la filiale qui se bougent: « Je trouve que les médias c’est ce qui manque le plus, et j’ai envie d’endosser cette casquette de journaliste de la musique. « 

Via l’enseignement dans les écoles d’ingénierie du son, ses réseaux sociaux et un nouveau podcast à venir, la productrice va continuer à bouger la scène marseillaise dans le but de la fédérer et de la professionnaliser!

« Il y a le podcast qui est en train de se développer. Je me suis ouverte à d’autres univers que le rap et ‘ai fait des rencontres incroyables dans ce studio. Il y a des super ingé-sons, il n’y a pas de concurrence, il y a une bienveillance qui est incroyable. J’ai donc envie faire profiter de ce cadre à d’autres grâce au podcast.« 

Tu peux retrouver Fanny Pisonero sur tous ses réseaux: Instagram et TikTok.

En savoir plus sur les producteurs et l’industrie:

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Une réponse à “Fanny Pisonero: interview de l’ingé son qui réécrit les codes du métier”

    Moraud dit:
    0

    Magnifique

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